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Le défi des élections locales du 27 novembre 2021 : une nouvelle gouvernance pour une société participative et citoyenne

par Abderrahmane Mebtoul*

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a signé samedi un décret présidentiel portant convocation du corps électoral en prévision des élections communales et wilayas, prévues le samedi 27 novembre 2021

et selon le même décret il sera procédé à la révision des listes électorales durant la période allant du 5 au 15 septembre 2021.

Il s'agit bien entendu de ne pas de remplacer Mohamed par Abdelkader, pratiques du passé qui ont conduit le pays aux tensions actuelles, mais d'avoir une nouvelle vision de la mission, des collectivités locales en vue du redressement national. L'objet de cette contribution, au vu tant des évènements actuels et futurs, à savoir l'épidémie du coronavirus, et son impact sur le système de santé, les impacts du réchauffement climatique avec les inondations, et incendies, est de démontrer l'urgence d'un management stratégique des collectivités locales articulé au nouveau rôle de l'Etat régulateur au niveau central, posant la problématique stratégique de la décentralisation, inséparable de la bonne gouvernance et de l'efficacité des institutions afin de redonner confiance aux citoyens, sans laquelle aucun développement n'est possible.

1-L'Algérie s'étend sur 2 380 000 km2 dont 2 100 000 km2 d'espace saharien. La densité paraît faible, mais les 9/10e de la population sont concentrés sur les terres du Nord. Sa situation géographique est stratégique : en face de l'Europe, côtoyant la Tunisie, l'Atlantique Maroc/Mauritanie, la Libye, le Mali et le Niger comme point d'appui de l'Afrique sub-saharienne. L'objectif stratégique horizon 2021/2030 est d'éviter que plus de 95% de la population vive sur moins de 10% du territoire. Il s'agira d'éviter les constructions anarchiques avec le manque d'homogénéisation dans le mode architectural, un taux accéléré d'urbanisation avec des bidonvilles autour des grandes villes, avec le risque de l'extension de nouvelles formes de violence à travers le banditisme et de maux sociaux comme la drogue et la prostitution. Il suffit de visiter certaines wilayas, pour constater des routes, des infrastructures et des ouvrages d'art qui ont coûté à la collectivité nationale plusieurs dizaines de milliards de centimes inutilisables en cas d'intempéries, des routes éventrées à l'intérieur des villes et villages, des ordures qui s'amoncellent à travers tant au centre que des quartiers périphériques, des logements que les citoyens refont, surtout les secondes œuvres avec des VRD non finies, des espaces verts qui font place à du béton, la construction d'unités dangereuses et polluantes près des villes, des sites touristiques, près des côtes, contenant plusieurs centaines de lits et qui déversent à la mer leurs déchets sans compter le manque d'eau pour l'hygiène.

Cela témoigne d'actions urgentes dont la responsabilité ne concerne pas seulement un département ministériel, mais à la fois plusieurs ainsi que les collectivités locales. Cette situation peut avoir des conséquences très graves, avec la «bidonvilisation» sur le plan sécuritaire qui a un coût, d'où l'importance de l'aménagement du territoire et d'une véritable régionalisation économique. Pour l'Algérie, il s'agit de procéder à une autre organisation institutionnelle, qui ne sera efficace que sous réserve d'objectifs précis, d'opérer un nécessaire changement qui passe par une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités administratives, financières, techniques et économiques. Cette organisation institutionnelle implique d'avoir une autre organisation, évitant les micros institutions, l'éparpillement des ministères et également des wilayas étant budgétivores devant être regroupées en adéquation avec ceux des ministères.

Les règles d'organisation et d'administration du territoire doivent inclure la protection de l'environnement, et être souple dans son organisation, en évitant le centralisme administratif, afin de construire un socle productif sur plus d'individus et davantage d'espace. Il convient de prendre le soin de ne pas confondre l'espace géographique avec l'espace économique qui, intègre le temps, l'espace étant conçu comme surface, distance et comme ensemble de lieux. La recomposition du territoire s'inscrit dans un vaste projet inséparable des réformes structurelles à, tous les niveaux. La conception volontariste étatiste de l'aménagement du territoire en Algérie, fondée sur la fameuse théorie des pôles de développement a été un leurre et n'a pas eu les effets escomptés. L'aménagement du territoire ne peut être conçu d'une manière interventionniste, mais doit être basé sur la concertation et la participation effective de tous les acteurs sociaux, devant dépasser cette vision bureaucratique de créer de nouvelles entités administratives, les nouvelles technologies rapprochant le citoyen de l'Etat, ou cette vision distributive à l'image des programmes spéciaux mais doit concourir à optimaliser la fonction du bien-être collectif.

L'aménagement du territoire devra répondre aux besoins des populations en quelque lieu qu'elles se trouvent et assurer la mise en valeur de chaque portion de l'espace où elles sont installées. Il ne s'agira pas d'opposer le rural à l'urbain, les métropoles aux provinces, les grandes villes aux petites mais d'organiser leurs solidarités. Pour cela, s'impose la refonte des finances locales sans laquelle la politique d'aménagement du territoire aurait une portée limitée devant s'appuyer sur le système de péréquation entre les régions pauvres et riches afin de favoriser une armature urbaine souple à travers les réseaux, la fluidité des échanges, la circulation des hommes et des biens, les infrastructures, les réseaux de communication étant le pilier. Cela implique une nouvelle architecture des villes, des sous systèmes de réseaux mieux articulés, plus interdépendants bien que autonomes dans leurs décisions 2, La décentralisation économique à ne pas confondre avec déconcentration vision bureaucratique, peut prendre des formes très différentes peut entre définie comme un mode d'organisation de l'Etat qui confère à la région un rôle et un statut économique propre, caractérisé par une autonomie relative mais non indépendant de l'Etat régulateur central pour les grandes orientations stratégiques tant politiques qu'économiques, cette autonomie étant donc encadrée par l'autorité nationale. Toute décentralisation appelle les questions fondamentales suivantes : compétences du pouvoir local ; règles de composition et de fonctionnement des assemblées et exécutifs locaux ; ressources locales ; relations avec le pouvoir central ; modalités de transfert aux pouvoirs locaux et enfin concertation entre les différentes wilayas avec pour objectif une meilleure efficacité ressentie comme tel par la population, l'argument de base résidant dans la proximité géographique.

Cela signifie qu'il existe une solution locale aux problèmes locaux et que celle-ci est nécessairement meilleure qu'une solution nationale et que la diversité des situations locales impose une diversité de solutions pour s'adapter aux conditions locales spécifiques. Une réelle décentralisation suppose une clarté dans l'orientation de la politique socio-économique évitant des tensions et conflits entre le pouvoir local et central , permettant un nouveau cadre de pouvoir avec des nouveaux acteurs et des nouvelles stratégies élaborées, favorisant un nouveau contrat social national afin d'optimaliser l'effet de la dépense publique et rendre moins coûteux et plus flexible le service public.

La création de ce nouvel espace public génèrerait une nouvelle opinion publique, voire une nouvelle société civile, permettant l'émergence de thématiques communes, des modes de propositions communs et donc déterminerait des choix collectifs optimaux. Car, une centralisation à outrance, favorise un mode opératoire de gestion autoritaire des affaires publiques, une gouvernance par décrets, c'est-à-dire une gouvernance qui s'impose par la force et l'autorité loin des besoins réels des populations et produit le blocage de la société.

La synchronisation de la gouvernance centrale et locale, implique une réorganisation du pouvoir local dont la base est l'APC, pour une société plus participative et citoyenne renvoyant à l'urgence de la révision des textes juridiques qui ne sont plus d'actualité. Après « le tout Etat, l'heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l'ingénierie territoriale. C'est dans ce contexte, que l'APC doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l'amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d'un espace.

C'est à l'APC que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l'accueil des entreprises et de l'investissement devant se constituer en centre d'apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l'accomplissement de ses missions, devant penser un autre mode de gestion, permettant de passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales entreprises et citoyennes responsables de l'aménagement du développement et du marketing de son territoire.

La structure qui me semble la plus appropriée pour créer ce dynamisme, ce sont cinq à six chambres de commerce régionales qui regrouperaient l'Etat, les entreprises publiques/privées, les banques, les centres de formation professionnelle, et les universités/centres de recherche.

L'action des chambres de commerce régionales , lieu de concertation mais surtout d'impulsion pour la concrétisation de projets s'articulerait, autour de cinq axes directeurs : premièrement, dynamiser les infrastructures de base et préparer des sites confiés à des agences de promotions immobilières publiques et privées ; deuxièmement, l'avenir appartenant à la science et ce dans tous les domaines économiques et militaires, mettre à la disposition des sociétés une main-d'œuvre qualifiée grâce à un système de formation performant et évolutif allant des ingénieurs, aux gestionnaires, aux techniciens spécialisés et ce, grâce aux pôles universitaires et des centres de recherche, évitant ce mythe d'une université par wilaya. Ainsi, nous assisterons à une symbiose entre l'université et les entreprises où les étudiants vivront la dialectique entre la théorie et la pratique ; la troisième action est de favoriser des entreprises souples reposant sur la mobilité et les initiatives individuelles. Des tests ont montré que l'initiative personnelle, pour certains produits, permet d'économiser certains équipements (donc d'avoir un amortissement moindre dans la structure des coûts) et de faire passer le processus de sept (7) minutes (420 secondes) à 45 secondes soit une économie de temps de plus de 90 % améliorant la productivité du travail de l'équipe; la quatrième action, la chambre de commerce intensifierait les courants d'échange à travers différentes expériences entre les régions du pays et l'extérieur et l'élaboration de tableaux de prospectifs régionaux, horizon 2021/2030. La cinquième action est la mise à la disposition des futurs investisseurs de toutes les commodités nécessaires, la symbiose entre ces différentes structures devant aboutir à des analyses prospectives fondamentales, à un tableau de bord d'orientation des futures activités de la région 2021/2030.

En conclusion, la véritable décentralisation, processus complexe éminemment politique implique de poser le rôle de l'Etat et son articulation avec le marché dans la future stratégie socio- économique ce qui renvoie au mode de gouvernance devant favoriser une démocratie participative et citoyenne, tenant compote de notre anthropologie culturelle comme l'a démontré l'économiste indien, prix Nobel, A. Sen.

L'aménagement du territoire doit placer l'homme pensant et créateur au cœur du développement avec un triple objectif : une société plus équilibrée et plus solidaire, la croissance au service de l'emploi et mettre l'Algérie au cœur du développement de la Méditerranée et de l'Afrique espace naturel de l'Algérie, afin de favoriser une prospérité partagée



*Dr.Professeur des universités, expert international