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Israël, membre observateur: Vers une guerre de positions à l'UA

par R. N.

En assumant pleinement l'entrée d'Israël en tant que membre observateur au sein de l'Union Africaine, le président de la Commission vient de pousser les pays membres de cette institution continentale vers une guerre de positions qui risque de fragmenter gravement leurs rangs.

Moussa Faki Mahamat ne s'est pas encombré d'« une mesure préalable de procédure quelconque » pour faire valoir «sa totale compétence » en faveur de l'accueil de l'entité sioniste au sein de l'UA, depuis le 22 juillet dernier, jour où son ambassadeur Aleleign Admasu, déjà en poste en Ethiopie, au Tchad et au Burundi, lui a présenté ses lettres de créances. « Suite à la décision d'accréditation du représentant de l'Etat d'Israël auprès de l'Union africaine, le président de la Commission de l'Union africaine Moussa Faki Mahamat tient à rappeler que cette décision relève de sa totale compétence, sans être liée par une mesure préalable de procédure quelconque », a-t-il affirmé dans son communiqué de vendredi dernier. Il a même justifié sa décision en rappelant « (...) la reconnaissance d'Israël et le rétablissement de relations diplomatiques avec lui par une majorité supérieure aux deux tiers des Etats membres de l'UA, et à la demande expresse d'un bon nombre de ceux-ci en ce sens ». Quarante-six (46) dont l'Egypte, le Soudan et le Maroc parmi les 55 Etats membres de l'UA entretiennent des relations officielles avec Tel Aviv.

C'est donc un fait accompli que le président de la CUA a saupoudré d'un peu d'éthique en réitérant « (...) l'attachement indéfectible de l'organisation panafricaine aux droits fondamentaux du peuple palestinien, y compris son droit à la création d'un Etat national indépendant, ayant comme capitale Jérusalem-est, dans le cadre d'une paix globale, juste et définitive entre l'Etat d'Israël et l'Etat de Palestine ». L'entrée et la présence d'Israël au sein de l'UA sont ainsi mises ridiculement sur un pied d'égalité que ces « positions et principes maintes fois rappelés par l'OUA puis l'UA, lors des différents sommets de l'Organisation ». Ce constat est pire que les rappels par l'ONU des nombreuses résolutions prises par son propre Conseil de Sécurité pour «exiger » d'Israël de garantir les droits du peuple palestinien.

Quand Israël nargue le monde

Résolutions ignorées et foulées aux pieds par l'entité sioniste depuis...1948. Face à ce déni, ce reniement et cette arrogance, la Communauté internationale se contente juste de se prêter à des discours hypocrites à l'image de celui contenu dans le communiqué du président de la CUA par lequel il «espère vivement que cette accréditation contribuera au renforcement du plaidoyer de l'UA pour la réalisation du principe des deux États et du rétablissement de la paix tant souhaitée entre les deux Etats et les deux peuples ». Le président de la Commission a, toutefois, daigné conclure en promettant que «les réserves exprimées par quelques Etats membres de l'Union africaine à cette décision justifie son intention de l'inscrire à l'ordre du jour du prochain Conseil exécutif ».

Un rendez-vous pour la tenue duquel des sources diplomatiques avancent les dates du 13 et 14 octobre prochain. Cette promesse, Moussa Faki Mahamat l'a faite à 7 pays arabes qui l'ont accusé, mercredi dernier, d'avoir commis «un dépassement procédural politique inadmissible de par son pouvoir discrétionnaire » et ont exigé de lui que sa décision « soit débattue par le Conseil exécutif de l'UA». Il s'agit de l'Algérie, l'Egypte la Tunisie, la Libye, la Mauritanie, les Comores et Djibouti. Des sources médiatiques rajoutent l'Afrique du Sud et le Niger. Ceci, en plus de 5 autres qui leur sont solidaires à savoir : la Jordanie, le Qatar, le Yémen, le Koweït ainsi que la mission permanente de la Ligue des Etats arabes auprès de l'UA à Adis Abbeba.

Lamamra appelé à déconstruire des faits

En réaction au communiqué du président de la CUA, le ministre algérien des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger a estimé que l'acceptation d'Israël au sein de l'UA risque de « conduire à la division de l'Organisation continentale ». Il a noté, cependant, que les déclarations de Moussa Faki Mahamat « n'affecteront pas la position des sept représentations diplomatiques, rejetant la résolution ».

Ramtane Lamamra a fait savoir que ces pays « continueront à travailler et à coordonner les positions et les initiatives afin d'atteindre le but tracé ».

Rompu à la pratique diplomatique et aux jeux de coulisses, le MAE doit savoir d'emblée que la tâche de déloger Israël des rangs de l'UA ne sera pas facile. Les batailles ou plutôt la guerre sera dure à mener au sein d'une organisation dont la majorité des membres soutient Israël. Il devra travailler inlassablement au renversement d'équilibre entre les pays pour et les pays contre, au sein de l'UA et même ailleurs. Connu pour ses positions tranchantes en faveur des peuples opprimés, Lamamra doit être convaincu que le jeu en vaut la chandelle. Sa tournée en Afrique et dans des pays arabes, dès sa prise de fonction précise sa conviction qu'un travail de proximité soutenu auprès des pays récalcitrants, devrait ne pas être vain. Le MAE devra certainement s'engouffrer dans d'autres arcanes diplomatiques, institutionnels et géopolitiques pour pouvoir arracher d'autres soutiens.

Ayant arpenté le dédale institutionnel international pendant longtemps, il aura besoin de tous ses réseaux pour tenter de déconstruire des états de faits et en (re)construire d'autres au milieu d'un monde qui refait ses équilibres et assure ses intérêts en décomposant les Etats et les peuples.