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Mendicité et racket

par Abdou BENABBOU

Dans une société en désarticulation, il est difficile de trouver un sens juste à la force vive qui par définition universelle doit sous-entendre labeur, effort et sueur pour faire face aux nécessités journalières. Quand une communauté en difficulté bat de l'aile, il est impossible de lui donner la couleur de l'uniformité car chaque acteur économique et social est contraint de badigeonner de teintes bariolées la face de son pays. Le gain facile, la rapine, la croyance de la légalisation de la corruption redorée par les farandoles spectaculaires des prétoires ont défiguré la bienséance citoyenne et inversé en mal les comportements pour que la raison et la retenue ne soient plus de mise.

A différentes strates de la société algérienne on trouve ceux qui travaillent ne pouvant joindre les deux bouts, les inactifs égarés dans les méandres des besoins les plus élémentaires et ceux qui sont corrodés par une grande misère affirmée. Plus haut, une infime catégorie, bénie du ciel et outrageusement nantie, cultive l'aisance et une apparente tranquillité non sans semer un amalgame nouveau qui prend une ampleur démesurée. Un drôle de droit de prise s'étend et se généralise jusqu'à donner naissance à une multiplicité de formes à la mendicité et la rendre de droit divin.

Mendier n'est plus une honte ni asservissement et tendre la main pour quêter une aide financière serait tout le contraire d'une dégradation sociale. Une curieuse imposition, parfois en monnaies lourdes, est instaurée par des demandeurs d'aide qui sont aujourd'hui convaincus que ce qui appartient aux autres leur appartient à eux aussi. Sans aucune retenue et en enduisant leur insistante sollicitation d'un voile de regret très élaboré, ils sont convaincus qu'ils ne confondent pas racket et mendicité, extorsion et sollicitude. Tout y passe. Quand ce n'est pas un kilo de viande qui est demandé à la porte d'un boucher, c'est un mouton qui est réclamé. Le galvaudage des ordonnances médicales à honorer obstrue de plus en plus les rues et la dictature des faux gardiens de parkings ferme la boucle.

Mettre cette nouvelle culture désobligeante sur le dos de la crise multiforme du pays serait trop facile. Si elle est responsable en grande partie d'une dénature sociale, elle ne peut à elle seule justifier l'indignité humaine surtout quand elle s'appuie sur de prétendues recommandations religieuses.