Un Aïd El Adha sous le signe de la prudence, dites-vous ?
Malheureusement, c'est absolument le contraire qu'on voit et qu'on vit durant
cette période qui précède cette fête religieuse. La courbe des contaminations
qui enregistre une croissance fulgurante ces derniers temps ne semble pas
retenir l'attention, pas plus que le besoin alimentaire qui pousse les masses
sur la piste d'une course effrénée aux achats. Partout, les
rassemblements sont impressionnants, à commencer par l'épicier du coin où se
forment de longues chaînes pour dénicher un petit sachet de lait, les surfaces
commerciales où l'on se bouscule pour arracher un bidon d'huile, opérer une
razzia sur les étals des fruits et légumes, avant d'arriver au dernier vendredi
avant l'Aïd El Adha, également dernier jour du marché
hebdomadaire des bestiaux, dont le plus célèbre se situe dans la ville d'El Khroub, à Constantine, qui a fait le buzz
sur les réseaux sociaux, enregistrant un nombre record de visiteurs.
Cinquante mille visiteurs, soixante, voire plus, tous regroupés sur une petite
surface de deux terrains de football, collés les uns aux autres et circulant
difficilement entre des centaines de moutons exposés à la vente. Une véritable
marée humaine où le non-respect des règles sanitaires fait planer le scénario tunisien
ou pire encore le scénario indien. La tête ailleurs, le citoyen se fout
complètement des appels à la prudence lancés par les autorités compétentes et
des épidémiologistes. Pourtant, le contexte sanitaire, particulièrement
inquiétant ces jours-ci, et le cadre social caractérisé à la veille de la
célébration de l'Aïd El Adha par la ruée massive des
citoyens vers les marchés, recommandent le respect rigoureux des mesures
préventives en matière de lutte contre la propagation du coronavirus, plus
qu'on ne le ferait en temps normal. Le virus ne se déplace pas tout seul, c'est
le citoyen qui le véhicule et le propage dans ses déplacements, là où il va.
Une vérité que tout le monde connaît par cœur, mais peu y prête attention. Les
autorités chargées de l'application des mesures sanitaires sont-elles dépassées
par les circonstances ? Est-ce une fatalité de vivre dans cette ambiance
anarchique que semblent privilégier de larges pans de la population ? Ou est-ce
le manque de rigueur dans l'application de la réglementation et des lois, qui
favorise ce désordre dans tous les domaines de la vie quotidienne ? En
attendant le pire après le sacrifice du mouton. Craignant les effets
catastrophiques de la pollution environnementale dans le sillage de l'abattage
anarchique dans les espaces publics et le jet des déchets n'importe comment et
n'importe où, le ministère de l'Environnement a lancé des appels à quelques
jours de l'Aïd El Adha pour exhorter les citoyens à
recourir aux abattoirs agréés et contrôlés par les vétérinaires et de placer
les résidus dans des sacs étanches avant de les mettre dans les endroits
réservés à cet effet. L'appel sera-t-il entendu ? Il faudrait faire un tour
avec les camions de ramassage des ordures et les agents d'hygiène dans la
journée de l'Aïd pour s'en rendre compte. Quand s'arrêtera-t-on de lancer des
appels et passer à la verbalisation?