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Le temps du pouvoir et le pouvoir du temps en Algérie

par Mohamed El Bachir Louhibi

12ème partie



Comment alors imaginer un seul instant que le dossier culturel économique et social de l'Algérie et sa promotion pouvaient préoccuper le pouvoir français ?

Conservateur ou prétendument progressiste sinon que d'être d'une naïveté sans limite en ignorant le poids et le jeu criminel et néfaste des colons et de leurs soutiens en France.

Les préoccupations de la France étaient d'un autre ordre.

C'est dans un tel contexte social, politique et économique imposé à l'Algérie dans un environnement mondial complexe résultant des 2 guerres mondiales que les algériens luttaient pour rester eux mêmes et pour arracher des revendications légitimes sans cesse constamment et globalement ignorées.

Ras el Ma, mon cher village natal symbolisait cette marche persévérante, pathétique et héroïque.

Après la mosquée et l'école, certains petits algériens allaient aider leurs parents commerçants pour, surveiller, vendre les denrées et autres articles le jour du marché.

D'autres se dirigeaient vers leurs demeures avec beaucoup de mal pour traverser la foule composée de ceux qui avaient quitté le marché a bestiaux pour faire leurs derniers achats et prendre le chemin du retour ou encore s'attarder devant un charmeur de serpents, un meddah prolixe ou un herboriste qui vantait les mérites de ses produits.

Les enfants jouaient des coudes, se faufilaient pour aussi profiter un peu du spectacle haut en couleurs. C'était une recréation élargie pour eux et pour certains adultes.

Les cafés maures étaient pris d'assaut par tous ceux qui voulaient se désaltérer tout comme les marchands ambulants qui avaient des jattes pleines d'eau additionnée à des citrons pressés et du sucre.

Les paiements des transactions passés au marché a bestiaux se faisaient en liquide dans les cafés maures.

Dés l'approche de 13 heures le brouhaha assourdissant du marché s'atténuait progressivement au fur et a mesure que le bourg se vidait de tous ses visiteurs.

Beaucoup de troupeaux d'ovins et de bovins se dirigeaient vers le Nord plus précisément vers Sidi Bel Abbès pour être débités dans les boucheries ou revendus dans le grand marché à bestiaux de cette ville.

Les nomades et leurs bêtes regagnaient la steppe dans ses diverses directions.

Le vendredi après midi s'achevait dans un calme contrastant avec l'activité fébrile qui venait de régner.

Le samedi à son tour commençait une autre animation totalement différente.

Ras El Ma était une porte ouverte sur la steppe.

La voie ferrée venant d'Oran allait une dizaine de kilomètres plus au Sud pour aboutir a une petite gare constituant le terminus, du nom de Crampell ,Ben Houria en Arabe qui signifie « Le fils de l'ange » servait à ramener tous les produits importés de France et a expédier la production locale d'alfa destinée a être exportée à partir des ports d'Oran et d'Arzew vers l'Angleterre surtout pour fabriquer du papier de grande qualité.

La collecte de l'alfa employait une main d'œuvre abondante et a bon marché composée essentiellement d'algériens et d'espagnols démunis.

Le bénéficiaire de la concession, député durant de nombreuses années détenait un bail de 99 ans pour un prix symbolique de toute l'immense nappe d'alfa qui avait une surface de plusieurs dizaines de milliers d'hectares.

Cette concession représentait le modèle idéal de l'entreprise coloniale disposant de la matière première quasi gratuitement et de la main d'œuvre a un coût dérisoire.

Elle se payait encore le luxe de vendre des denrées alimentaires et des tissus en réalisant évidemment des bénéfices sur le dos de tous ces malheureux qu'elle exploitait sans aucun scrupule.

A chacun sa manière d'administrer les bienfaits de la civilisation occidentale.

Les cueilleurs algériens rejoignaient leurs misérables tentes et les espagnoles leurs modestes demeures les fins de semaines.

Quelques uns d'entre eux qui avaient le privilège d'être chefs de chantier pouvaient se permettre de se retrouver avec d'autres qui étaient, artisans ou petits fonctionnaires accoudés au comptoir de l'un des bars du village.

Chacun de ceux-ci constituait un autre monde ou se retrouvaient en plus des premiers cites, des algériens plus ou moins portés sur l'alcool côtoyant aussi des militaires en permission qui venaient la se frotter aux civils.

Il faut mentionner que Ras El Ma avait aussi cette particularité d'être une ville de garnison ou stationnait la légion étrangère

Les stratéges militaires français en avaient décidé ainsi car il y avait eu plusieurs révoltes dans le Sud Ouest algérien menées héroïquement, malgré leurs faibles moyens par des héros tels que BOUAMAMA et BELKHEIR entre autres.

Cette garnison faisait partie d'une chaîne de défense à l'instar d'autres villes comme Mascara, Sidi Bel Abbés, Saida ou la présence de la légion étrangère se voulait a la fois dissuasive et active entre les Hauts Plateaux et le Tell.Il fallait décourager toute velléité de revendication ou a défaut la réprimer brutalement .

Les troupes les mieux indiquées pour cette sale besogne étaient naturellement constituées de légionnaires venus de pays et d'horizons divers, dont certains d'authentiques criminels qui étaient immédiatement absous dés leur engagement comme mercenaires au service de la cause coloniale.

En quelque sorte leurs conduites anti- sociales antérieures venaient s'abriter sous un uniforme qui se voulait glorieux.

Tel évidemment n'était pas le cas des officiers qui eux avaient des origines peut être plus honorables ce qui ne les empêchaient pas d'être les maîtres de la machine répressive et criminelle.

Comme les couleurs et les odeurs jouaient un rôle décisif dans le bourg, les bars étaient vite localisés par le fumet fort agréable qui venait des le crépuscule chatouiller les narines des passants.

Il émanait des fourneaux remplis de braises incandescentes de charbon, de bois sur lesquelles des rôtisseurs faisaient cuire des brochettes consommées par ceux qui prenaient leur apéritif.

Une chaude ambiance faite de discussions multiples-variées entre groupes divers accoudés au bar régnait.

Les odeurs d'anis, de bière et de vin s'entremêlaient et imprégnaient l'atmosphère.

A suivre