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MOUTON ET BIGOTERIE

par Abdou BENABBOU

Il n'est ni obligatoire ni nécessaire d'être un expert en théologie musulmane pour se convaincre de l'intervalle réel entre la Sunna et le Fard dans l'islam. Bien que ces deux fondements de la religion soient essentiels, les confondre n'est que la manifestation d'une bigoterie ne justifiant en rien un attachement et une croyance sans faille à la parole de Dieu. La Sunna est orientations et recommandations et le Fard est obligation. Dieu dans sa miséricorde a permis à l'homme de disposer d'une intelligence pour s'adapter à la vie avec circonspection et sagesse selon ses possibilités et ses moyens. Les fêtes religieuses sont des moments propices pour que l'homme étale son sens de la mesure pour se conformer aux instructions divines.

L'Aïd El Kébir arrive au galop et il doit être célébré dans quelques jours. D'ores et déjà le mouton est hors de prix. Les tarifs affichés dans les marchés qui s'installent sont horrifiants et donnent le tournis. Les bêtes, avec ou sans cornes, ne sont cédées qu'à partir de 50.000 DA pour finir par toiser n'importe quel père de famille avec des étiquettes à 85.000 DA.

La foi n'accepte pas une telle provocation et il n'a pas été dit qu'entre le musulman croyant et le bélier, c'est le croyant qui doit être sacrifié pour que les préceptes de la religion soient aussi inversés et contrariés. La folie des marchés à bestiaux et le naufrage consommé du dinar n'autorisent en rien une infantile déraison d'une majorité de consommateurs engloutie dans une suée quotidienne pour tenter de s'accrocher à la vie. Sombrer dans la confusion entre le Fard et la Sunna n'est pas une œuvre de piété. L'islam n'a jamais instruit le croyant à s'écorcher la peau pour se soumettre à un suicide financier auquel il n'est pas tenu d'exécuter.

Bien au contraire, ce sont les grands événements religieux qui constituent une halte providentielle pour corriger le rythme de la vie et s'éloigner de cette culture nationale rivée de ne pas être en adéquation entre ce que l'on dépense et ce que l'on a. Se plier à la saignée des prix par le temps de crise actuelle pour festoyer avec une démesure évidente sans tenir compte de l'importante nuance entre la Sunna et le Fard est la manière incongrue de tourner le dos à la religion. Dieu n'en demande pas tant. L'exigence divine veut que le croyant ne soit pas lui-même un mouton.