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LA JONCTION

par Abdou BENABBOU

La proximité géographique, plus d'un siècle d'une Histoire partagée, la présence en son sein de millions d'habitants d'essence algérienne offrent souvent l'exercice d'une comparaison entre la France et l'Algérie.

Les deux pays sortent ces derniers jours de grandes joutes électorales et curieusement les résultats de leurs scrutins ont l'air d'avoir le même goût. Le faible taux de participation est flagrant dans les deux pays et à des degrés divers l'abstention semble relever des mêmes raisons. Mieux, les pronostics ont été déjoués pour les deux nations et on a constaté pour les deux entités aux cultures et aux articulations politiques différentes un retour identique d'anciens fossiles partisans. Grand vainqueur des élections régionales françaises, le parti gaulliste se re-frotte les mains et le FLN algérien s'invite par la force des urnes à retrousser les manches avec un sourire béat victorieux. Paradoxalement, engagés aux avant-postes du terrain politique, l'un et l'autre auront à affronter la litanie de la succession de déconvenues économiques qu'ils auraient dans une large mesure eux-mêmes créées.

A la vérité, la similitude évidente des deux situations renvoie à la même lassitude prégnante de deux sociétés pourtant différentes qui n'attendent plus rien de l'activation de l'articulation politique classique. Si l'on devait faire la jonction entre ce qui a produit les gilets jaunes et le Hirak, on constatera sans surprise que les ferments de leur érection sont identiques. Le grand message qu'ils ont émis, chaque mouvement à sa façon, est une colère commune indissociable pour que le holà soit mis au parcours des activités politiques telles qu'elles se développent. Ensemble et en commun, les deux entités sociales actent la péremption de la culture partisane prévalant jusqu'ici.

Les signaux émis par l'abstention significative dans les élections de toute nature sont la manifestation d'un désarroi et d'une fâcherie populaire pour indiquer que la majorité des sociétés ne croient plus aux philosophies électorales actuelles devenues usées. S'abstenir est une autre manière de voter, non pas pour affirmer une opposition contre des hommes et leurs condensés, mais pour l'exigence de la recherche d'une adaptation efficace à l'évolution d'un monde sérieusement bouleversé.