Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Des députés plus légitimes que jamais

par Salah Lakoues*

Mesdames et Messieurs les députés, Votre élection s'est passée dans un contexte politique assez particulier : blocages et pressions politiques d'un côté, remous aux frontières de l'autre et un enjeu institutionnel de taille pour le développement de notre jeune nation. La poursuite de l'édification institutionnelle est la seule garantie de la pérennisation de l'État, au-delà des hommes. C'est pourquoi il nous faut préserver cette dynamique que toutes les sociétés modernes ont adoptée.

Le contexte politique, par la raideur des positions des uns et des autres, mais aussi par le réflexe de réserve propre à la majorité silencieuse, l'abstention a été majoritaire. L'abstention n'est pas rejet, non. L'abstention est un message de recul, une réserve que l'électorat communique aux élus. Mais la réserve politique est aussi une réserve de voix pour les prochains scrutins. Les boycotteurs, pour leur part, ont clairement annoncé leur position ; ils ne sont donc pas dans la réserve, mais dans le rejet total de l'édification institutionnelle. En politique, cela s'apparente à la position anarchiste radicale. Pourquoi pas ? Mais ce courant est objectivement minoritaire et c'est bien pourquoi il préfère se cacher derrière le refus absolu. En effet comment quantifier leur force ?

Les candidats qui se sont présentés se sont donc engagés dans une tâche démocratique et patriotique et ceux parmi eux qui ont réussi à convaincre les électeurs sont donc bel et bien les élus légitimes de la nation. En sciences politiques, la légitimité est synonyme de consentement et non pas de « majorité arithmétique ». Et comme on sait qu'en société, « qui ne dit mot consent », les abstentionnistes se joignent implicitement au consentement. Dans le cas contraire, ils auraient certainement manifesté, d'une manière ou d'une autre, leur rejet. Ce qui n'est pas le cas. On tend même à s'en accommoder, malgré des critiques formelles, bien entendu. Vous voilà donc élus de la nation et votre succès électoral mérite toute notre sympathie et notre attention.

Mais une fois cette première étape, certes décisive, franchie, il reste le véritable travail de parlementaire à réussir. Vous aurez à valider des projets législatifs en ayant toujours le souci d'être en harmonie avec votre mandat. En effet les électeurs qui vous ont préféré ont fait le pari qu'avec vous, leurs voix vont compter et peser sur les options qui s'offriront au sein de la noble assemblée. Sachez être fidèles à vos engagements et à en rendre compte à vos électeurs par voix de presse, notamment. Nous savons tous que la rupture avec les « politiques » vient de cette distanciation des élus par rapport à leur base. Et cette prise de hauteur est vécue comme du dédain par ceux qui placent leur confiance dans un suffrage.

Les modalités ayant présidé à ces élections sont nouvelles, il faut le souligner. Jusque là, les élus étaient plutôt cooptés selon des procédures assez complexes. Cette fois-ci la transparence aura été maximale ; c'est pourquoi vous êtes plus légitimes que jamais. De votre comportement exemplaire, le goût de faire de la politique gagnera les jeunes gens qui aspirent à prendre une part active à la vie sociale, économique et politique de cette nation qui se développe tel un individu. Et « l'Algérie Nouvelle » est à l'image de la démocratie : lorsque cette dernière sera perçue à la fois comme une stratégie et un moyen, nous aurons rejoint le peloton de tête des régimes démocratiques.

Bonne chance.

*Fils de Chahid