Houari
Boumediene était-il un visionnaire lorsqu'il a lancé, en 1971, le chantier de
grande envergure du « barrage vert », cette immense ceinture végétale de 1.200
kilomètres de long sur 20 kilomètres de large, sur des terres situées dans les
Hauts-Plateaux et l'Atlas saharien ? Véritable barrière naturelle contre
l'avancée des sables du désert qui menaçaient, selon des estimations de
spécialistes, plus de sept millions d'hectares, le «barrage vert» a été pensé
et passé à la phase de réalisation à une époque où les questions du dérèglement
climatique et de l'écologie n'étaient pas très en vogue, comme elles le sont
aujourd'hui, engageant politiquement de nombreux Etats, dont 55 ont signé, en
2015, ce qu'on appelle l'accord de Paris sur le climat. L'éveil des consciences
a été long par rapport à l'engagement de l'Algérie, qui remonte à un
demi-siècle, dans cette lutte contre la désertification qui menace l'équilibre
écologique de la planète. De toute évidence, le défunt Houari Boumediene était
initiateur de la concrétisation du projet, à l'origine duquel on parle d'un
brillant ingénieur forestier, qui avait réussi à reboiser le site de Moudjbara, dans la wilaya de Djelfa, pourtant jugé inapte à
recevoir des plantations forestières, et qui avait réussi à convaincre
l'ex-président de la faisabilité du projet. C'est à partir de cette wilaya,
justement, que Houari Boumediene avait lancé, précisément, un certain 19 juin
1971, le colossal chantier du «barrage vert». Malheureusement, notre brillant
ingénieur forestier s'est auto-exilé au Canada, pays des forêts, et le «barrage
vert» a pris un sérieux coup de jaune après la disparition de Houari
Boumediene, marquant le retrait de l'armée, qui avait mis à contribution dans
ce projet les jeunes du Service national tout au long de deux décennies.
L'Algérie, pays pionnier dans le domaine de la lutte contre la désertification,
qui s'est laissé aller à la négligence en abandonnant le projet, semble se
ressaisir et affiche ses ambitions de restaurer le «barrage vert». Le ministère
de l'Agriculture et du Développement rural et la direction générale des forêts
(DGF) ont procédé, jeudi 17 juin 2021, à M'sila, à
l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la lutte contre la
désertification, au lancement de l'Initiative nationale pour la restauration du
barrage vert et d'un projet de proposition de financement du Fonds vert climat
(FVC). L'Algérie gagnerait sur tous les plans avec la restauration de ce projet
qui, en sus des avantages agro-écologiques, permettrait la création d'emplois
dans ces régions steppiques, situées à la porte du Sahara, où les jeunes
souffrent du chômage. Mais comment éviter les erreurs du passé, notamment en
matière de protection du pâturage, des coupes et des incendies, qui ont détruit
d'immenses surfaces reboisées par les jeunes du Service national dans des
conditions, pour le moins qu'on puisse dire, très dures ? Faudrait-il faire
appel aux services de sécurité pour préserver les sites reboisés dans ces
vastes zones isolées ? Car le défi n'est pas seulement de restaurer le projet
du «barrage vert », mais il s'agirait, surtout, de lui assurer longue vie.