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L'AVENTURE ET L'AMOUR

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Pour l'amour d'Elena. Roman de Yasmina Khadra, Casbah Editions, Alger 2021, 330 pages, 1.300 dinars



Après Kaboul, Tel-Aviv, Baghdad, Rio Salado (El Mallah), Tripoli, Tanger, Paris, Molenbeek, La Havane, Blida..., l'auteur nous emmène, cette fois-ci, à Ciudad Juarez, une ville frontière du Mexique. La ville de tous les vices. De l'autre côté du Rio Grande, on a la (belle) ville américaine d'El Paso. Tout le monde rêve d'y aller mais en attendant (d'autant que les difficultés ont grandi avec Trump), il faut prendre en patience tous les maux. Et les maux ne manquent pas, tout particulièrement dans les quartiers pauvres et populaires : gangs à gogo, vols, viols, drogue, prostitution, règlements de comptes, tous les crimes du monde.

Et pourtant, tous les jeunes Mexicains des campagnes démunies rêvent de s'y installer ne serait-ce que provisoirement, le temps de ramasser un magot et de partir ailleurs, pour vivre une vie plus tranquille.

Au départ, une belle petite histoire d'amitié et d'amour entre deux enfants d'un village (un «trou») perdu de l'Etat de Chihuahua, Elena et Diego. Hélas, un jour, en présence de Diego, tétanisé par la peur, la belle petite Elena, 15 ans, est violée. L'amour vole en éclats et Elena ne tarde pas à partir du village pour Ciudad Juarez, en compagnie du gigolo du coin.

C'est alors le point de départ de toute l'histoire d'un Diego, un peu plus mûr, beaucoup plus porté sur la lecture et la réflexion que sur l'action, aspirant journaliste, toujours amoureux et tiraillé par le remords (d'avoir été si lâche lors de l'agression) qui part, en compagnie de son cousin Ramirez, à la recherche de sa belle.

Une tâche bien peu facile pour nos deux «ploucs», «portant encore la crotte de bique sur leurs frusques», dans une ville, «la plus dangereuse au monde», dominée par une multitude de gangs se partageant tout ce qui pouvait rapporter comme gains et pouvoir sur les autres, en empruntant avec facilité les chemins du meurtre. «L'enfer des cartels !» où tout se paie, se négocie au prix du sang et au son des balles.

Peu à peu intégré dans un gang (écoulant de la drogue), ils arrivent à s'imposer. Diego, malgré sa répulsion pour les armes à feu, commettra son premier meurtre (afin de sauver la peau de son cousin). Et, finalement, il arrive à retrouver son Elena, devenue une sorte de «poule de luxe» entretenue par le plus méchant et le plus dangereux des proxénètes. Encore un autre meurtre ! Diego devra s'enfuir, se barrer vite fait avec, heureusement, sa belle qui le rejoint, certainement re-conquise par son courage retrouvé. Une autre cavale. Une autre ville et une autre histoire ? Le tour du monde de Yasmina Khadra n'est pas fini ! Il vient à peine de commencer, notorité mondiale oblige !

L'Auteur : Né en janvier 1955 à Kenadsa, élève de l'Ecole des cadets de la révolution, ancien officier de l'Armée nationale populaire, Yasmina Khadra, de son vrai nom Moulessehoul Mohammed, est, aujourd'hui, un écrivain très connu. Lu dans des dizaines de pays, il est traduit en plusieurs langues. Il a, à son actif, plus d'une trentaine d'œuvres dont deux sont autobiographiques («L'Ecrivain» en 2001, «L'imposture des mots» en 2002). La plupart sont des romans dont certains ont été adaptés au cinéma comme «Morituri», «L'Attentat», «Ce que le jour doit à la nuit» et «Les hirondelles de Kaboul» et au théâtre et même en bandes dessinées, ceci sans parler des ouvrages (dont des romans policiers) publiés sous pseudonyme au milieu des années 80 et au tout début des années 90, inventant même un personnage fameux, celui du Commissaire Llob («Le Dingue au bistouri» et «La foire aux Enfoirés»). A noter qu'il a co-signé, aussi, des scénarii de films, qu'il a été un certain temps directeur du Centre culturel algérien à Paris et qu'il a même tenté une courte «aventure» politique lors de présidentielles !

Extraits : «Le fric, c'est comme les vagues de l'océan. Ça va, ça vient. Parfois, il y a le raz-de-marée, parfois des marées basses. Ce qui importe, c'est de tenir la barre le plus longtemps possible» (p 63), «Ciudad Juarez n'était dangereuse que pour ceux qui avaient troqué leurs rêves contre des projets bidon. C'était peut-être ça, le monde meilleur» (p 282).

Avis : Un grand roman d'aventures, assez noir, plus que d'amour (sur la base d'une «histoire vraie») à la construction millimétrée. Beaucoup de crimes, de criminels et beaucoup de cadavres. Un autre monde ? Heureusement que Ciudad Juarez (que j'ai eu la chance de visiter de nuit et qui n'est pas aussi sombre et dangereuse telle que décrite) n'est pas tout le Mexique.

Citations: «Qui n'anticipe pas ne progresse pas. La vie est un marathon, chrono en main» (p 43), «Si la discipline est la force principale des armées, la loyauté est leur longévité (p 227).



L'étonnant voyage de Tarbilala. Roman de Katia Hacène, El Qobia Editions, Alger/Tiksraïne 2017, 159 pages



Dhaki est un jeune garçon. Orphelin de père et de mère, il est recueilli par un couple de paysans sans enfants. Il est aimé, il est choyé. Mais le hic, c'est que ses parents adoptifs veulent le garder à eux seuls, afin qu'il reprenne plus tard l'exploitation de la ferme familiale. Alors que lui ne rêve que d'être policier. A noter que dans notre jeunesse, le métier de policier (muni de son sifflet, habillé de son bel uniforme, organisant la circulation aux grands carrefours et équipé d'une matraque) est celui qui attirait le plus les enfants. Allez savoir pourquoi ?

Il s'enfuit pour aller dans une école de police. En cours de route, il se retrouve recueilli par une enseignante puis par un cirque puis par une voyante puis par un policier et, de fuite en fuite, il acquiert du savoir, les relations humaines, un métier, de la psychologie, atterrissant en fin de parcours dans une ville (dirigée par un shérif ripoux) dont il devient rapidement (grâce à tout ce qu'il a appris) le commissaire de police et il retrouvera tous ceux qui l'ont formé. Même Cacahuète, le singe du cirque qu'il croyait avoir perdu en cours de fuite.

Tout est bien qui finit bien. Hélas, lorsqu'il se réveille le matin, il se retrouve chez ses parents biologiques et il n'avait fait que rêver. Un très joli et gentil conte qui peut être largement conseillé aux enfants de 12 à 16 ans ou plus et aux parents pour une meilleure compréhension des rêves d'aventures de leur progéniture.

L'Auteure : Née en juin 1961 à Alger, licence d'anglais (Université d'Alger), enseignante, puis journaliste (Horizons, Le Soir d'Algérie). Etablie en France. Plusieurs ouvrages à son actif.

Extrait : «Je ne suis qu'un simple citoyen qui estime que chaque métier doit être exercé par une personne compétente.

Je combats les médecins qui ne savent pas soigner, les avocats qui ne savent pas plaider, les enseignants qui ne savent pas enseigner et bien d'autres encore» (148).

Avis : Un petit livre qui nous change de la littérature anxiogène, des romans noirs, des mémoires austères et/ou des essais cultivant le catastrophisme. Pour nous faire oublier les dures réalités de la vie, rien ne vaut un beau et bon rêve. Même s'il faut, par la suite, se réveiller.

Citations : «La grandeur d'un homme ne dépend pas de son statut social mais de son cœur» (p 24).