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Plaidoyer pour une révision du prix de l'eau

par M. Aziza

Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a annoncé qu'il comptait lancer une «réflexion nationale» sur la révision des subventions étatiques, juste après les élections législatives et locales. Il avait précisé dans un entretien accordé à l'hebdomadaire français Le Point que «le projet est en cours d'élaboration» ajoutant «j'attends l'élection des assemblées nationales et locales pour entamer une réflexion nationale, notamment avec les syndicats, le Conseil national économique, social et environnemental et les élus».

Le Conseil national économique, social et environnemental (CNESE) a organisé, hier, une journée d'étude sur le stress hydrique, avec comme question axiale la nécessite de revoir les subventions afin d'amortir les investissements dans le secteur et d'assurer en même temps une eau de qualité et en quantité permanente aux citoyens.

Intervenant devant des experts et des cadres du secteur des ressources en eau, à l'Ecole Supérieure d'Hôtellerie et de Restauration d'Alger, le président du CNESE, Reda Tir, a évoqué particulièrement le projet « de rationalisation des subventions directes et indirectes dans deux secteurs, ceux de l'agriculture et de l'industrie ». M.Tir a précisé que « les industries des réseaux, tels que l'eau, l'électricité, le gaz, le transport, les télécoms cités récemment par le chef d'Etat, sont en fait des secteurs qui sont fortement subventionnés par l'Etat ». Et de signaler que malheureusement « ces secteurs connaissent beaucoup de gaspillage ».

Pour résoudre ces problèmes, estime le président di CNESE, il est nécessaire d'amorcer un débat inclusif sur ces industries de réseaux, comment ils sont constitués et comment peut-on atteindre l'équilibre sur les monopoles publics ? Autrement dit, ces entités publiques sont appelées à réaliser un équilibre budgétaire.

Selon Reda Tir, la rationalisation des dépenses publiques doit être mise en œuvre concomitamment avec l'amélioration du service public, mais aussi à travers une révision de la tarification, « il faut penser à une tarification adéquate pour les ressources naturelles, notamment l'eau », dit-il. Il précise que l'Etat doit se pencher rapidement sur la question des subventions, de la tarification et du service public. Selon l'intervenant, il faut évaluer tous les investissements qui ont été réalisés dans le secteur des ressources en eau, « des investissements qu'il faudrait rentabiliser dans un avenir proche », ajoute Tir. Il affirme qu'une station de dessalement ou de pompage d'eau a une durée de vie et elle a besoin d'être renouvelée. La question de la révision de la tarification de l'eau a été abordée en détail par le professeur Ahmed Kettab, expert et consultant international en eau et environnement. Il a précisé dans ce sens que la tarification de l'eau à sa juste valeur est un moyen d'optimiser et même d'augmenter la ressource en eau, à travers de réelles économies pour tous. Il a indiqué qu'actuellement l'eau produite par la station de dessalement d'eau de mer revient à 120 DA le m3 à l'achat et à environ 150 à 160 DA m3 au robinet du consommateur. Alors que la première tranche, dit-il, inférieure à 25 m3 le trimestre n'est facturée qu'à 8,65 DA le m3 depuis 2005.Une augmentation juste de 1 DA par an au m3 aurait donné un prix de l'ordre de 25 DA m3 en 2021.

La consommation d'eau dessalée doit atteindre plus de 30% d'ici 2025

Pour l'expert, « il faut une révision de la grille tarifaire dans le respect des standards internationaux, et les salaires algériens, tenant compte du SNMG et des bas revenus. Il propose un tarif de solidarité en eau « tadhamoun maaii », en accordant gratuitement les 9 m3 par trimestre à chaque citoyen (Norme OMS pour quantité minimale pour boire et satisfaire ses besoins d'hygiène). Et d'affirmer qu'il faut instaurer un tarif social pour 21 m3 consommés par trimestre, un tarif normal avec subvention de l'Etat et un autre dit confort à savoir les consommations supérieures à 50 m3 par trimestre, où les consommateurs payeront le prix réel de l'eau de telle sorte à garantir équité et justice.

Pour l'expert Kettab, cette tarification tendrait à économiser beaucoup plus cette eau qui devient de plus en plus rare et assurer un équilibre budgétaire des entreprises de distribution de l'eau. Et de préciser « il va de soi que les secteurs industriel et agricole devront payer le prix réel de l'eau ».

Le professeur Ahmed Kettab a affirmé que l'Algérie est classée à la 29ème place des pays confrontés à un stress hydrique. Il ajoute que la potentialité hydrique nationale est estimée à 18 milliards m3 par an, avec un ratio de 420 m3 par habitant, par an en 2020. Et de préciser que sur les 1,2 de milliard de m3 par an d'eaux usées épurées, 80% ne sont pas réutilisables. Pourtant, dit-il, certains pays ont utilisé des eaux usées comme eau minérale après des traitements très pointus.

Il a affirmé qu'il ne faut plus attendre que l'eau tombe du ciel, mais il faut construire davantage de barrages et réaliser des stations de dessalement d'eau. « Nous avons aujourd'hui 11 stations de dessalement qui produisent 17% de la quantité totale d'eau potable consommée au niveau national, nous devons arriver à 33% de consommation d'eau dessalée d'ici 2025 », préconise-t-il.