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Les spécialistes rassurent: Vaccination contre la COVID-19, ce qu'il faut savoir

par Ghania Oukazi

Aux professionnels de la Santé qui doutent de l'efficacité du vaccin contre la COVID-19, de sa programmation et de ses effets secondaires, le directeur général des Services de santé et de la Réforme hospitalière recommande qu'« il ne faut pas faire dans le populisme, soyons sages, la vaccination contre des pathologies virales, c'est réellement le salut ».

Le porte-parole du Comité scientifique de suivi de la pandémie du COVID-19, Professeur Djamel Fourar, a déclaré, hier, que «la vaccination débutera fin-janvier, elle est imminente». Elle concernera, en premier, les corps exerçant une activité sensible comme les personnels de la Santé et les services de Sécurité, les personnes âgées de plus de 65 ans, les malades chroniques, pour s'étaler plus tard aux populations de plus de 18 ans». Il a fait savoir que «8.000 centres sont dédiés à cette vaccination» en notant que «le programme de vaccination est flexible et modulable, d'autres centres pourraient être ouverts en fonction des populations éligibles à la vaccination».

Interrogé, hier, par nos soins au sujet de cette opération de vaccination, Professeur Rachid Belhadj, chef de service Médecine légale et directeur des Activités médicales et paramédicales, au CHU Mustapha, pense que «la période est vraiment propice pour, c'est une période calme, les chiffres ont baissé, il y a moins de demandes, le personnel a récupéré, nous sommes en train de nous organiser, c'est la période idoine pour commencer la vaccination, si on était en juillet ou en août, au moment de la 2ème vague, ça aurait été difficile de faire deux opérations en même temps, prendre en charge et vacciner». Mais dit-il n'est-ce pas «kol otla fiha khier». Il fait savoir que «selon les déclarations du ministère de la Santé, en plus du russe et du chinois, l'Algérie va ramener le vaccin des Laboratoires Astra-Zeneka». Il note cependant qu'«on confond avec la vaccination contre la polio ou la rougeole, il est vrai qu'en matière de geste c'est la même chose». Il évoque la circulaire signée par le ministère de la Santé, au sujet du nouveau vaccin pour affirmer que «pour ça, il faut un interrogatoire, un examen au préalable par un médecin qui doit aussi poser l'indication parce qu'il y a des contre-indications».

«C'est le comportement de la population qui compte»

Belhadj explique «ce geste doit être exécuté soit par un médecin soit généralement par un infirmier formé pour, cette circulaire demande de laisser la personne en observation 15 à 30 minutes et à la fin on doit acter ce qui a été fait. Des priorités ont été données dans cette circulaire, le personnel de la Santé, les personnes âgées de plus de 65 ans même si elles ne sont pas malades, les corps sensibles et utiles (les services de Sécurité, les Douanes, la Protection civile, les Affaires religieuses....), et les malades chroniques au-delà de 18 ans». Il annonce en outre, que «le Comité scientifique a pris la décision de vacciner toute personne qui a été contaminée mais après trois mois de sa guérison». Il indique que «les personnes déjà contaminées peuvent l'être une autre fois mais il faut compter deux ou trois mois après, toutefois, ce ne sont pas des formes sévères». Pour lui, «si on donne 20 vaccins par jour aux 8.000 centres, on est loin des 250.000 doses promises, faites le calcul». Ce qui importe selon lui, «c'est le comportement de la population notamment à risques qui est citée dans la circulaire, de laquelle on a exclu l'enfant et l'adolescent qui ne sont pas concernés et c'est tant mieux». Il estime que «nous avons toute l'année pour vacciner, la vaccination n'est pas limitée dans le temps» mais n'exclut pas une autre vague de la pandémie «parce qu'on voit ce qui se passe autour de nous, ce virus qui a muté», dit-il, en affirmant que «pour le moment c'est vraiment limité chez nous parce nos frontières sont fermées, ça a donné ses fruits...». Il précise cependant que «s'il y a retard dans l'acquisition d'un quelconque vaccin, ce n'est pas la faute au ministère de la Santé» mais, dit-il «nous n'avons pas le choix des vaccins, il y a une pression terrible sur les marchés internationaux». Il lâche que «parfois c'est au plus offrant, on ne sait pas trop, nous le personnel de santé, c'est comme l'histoire du Boeing ou des matériels de prévention, il y a bien des pays qui ont embarqué des lots d'autres pays...» Il rassure toutefois en pensant que «comme c'est un vaccin, il y a peut-être un peu d'éthique, d'humanisme...» Il recommande aussi qu'avec le vaccin «il ne faut pas crier victoire, on n'est pas sorti de l'auberge, il faut absolument respecter les mesures barrières et de prévention». La baisse des cas contaminés est liée, selon lui, au cycle du virus qui évolue. «La prise en charge des malades chroniques, en particulier les cancéreux, commence à se faire timidement, on a peur d'être rattrapé par une autre vague...On attend la décision du ministère de la Santé», nous apprend-il sur ce plan. «Il y a le secteur privé qui doit suppléer au secteur public qui est dans une situation très particulière mais il est mal structuré» indique-t-il.

«Nous sommes comptables devant M. Le président de la République»

Le directeur général des Services de santé et de la Réforme hospitalière, membre du Comité scientifique de la pandémie, Professeur Lyes Rahal, nous a précisé, hier, que «le vaccin n'est pas arrivé, s'il était là on l'aurait dit ». Il s'étonne d'entendre dire qu'il y a des retards dans son acquisition et lâche «par rapport à quoi ? Le président de la République avait instruit le ministre de la Santé pour que ça se fasse avant fin-janvier, nous sommes comptables devant M. Le président de la République, nous sommes en train de travailler pour que ça se fasse avant fin-janvier, si le vaccin était là, nous aurions été très heureux et nous l'aurions annoncé à la minute près ». A propos d'une date précise pour sa réception, il répond «pas du tout, sincèrement, je n'ai pas de date et même si on l'avait, je ne l'aurais pas dit, en raison des aléas qui se passent dans cette situation inédite..., on pourrait donner une date puis après il y a un souci de transport (....), nous avons dit avant la fin-janvier, ce sera Inchallah avant fin-janvier, je l'espère ! Il y a une très, très forte demande avec tout ce qui se passe autour de nous (....)». Il rappelle que «nous sommes en train de travailler sur les vaccins depuis le 6 août, bien avant beaucoup de pays, nous le faisions dans le calme, la sérénité sans bruit», C'est au moment où l'Algérie a intégré le mécanisme COVAX ? Lui avons-nous demandé. «Oui, vous voyez il y a même une preuve. Il y a même un engagement de M. le ministre». L'achat du vaccin russe ?Spoutnik Victory' «en dehors de ce mécanisme» le pousse à préciser qu'«on n'est pas sorti de ce mécanisme, nous sommes toujours dedans, et nous avons le droit d'acheter ailleurs, on est obligé de diversifier nos achats, M. le ministre a dit que nous avons besoin de 40 millions de doses !» A une question sur la possibilité de les avoir, sans problème, dans des délais raisonnables, il affirme que «nous avons dit que nous allons étaler notre stratégie vaccinale sur toute l'année». Lyes Rahal souligne, par ailleurs que «l'Algérie va acquérir le vaccin chinois du Laboratoire ?SINOPHARM' et non ?SINOVAC', il ne faut pas confondre entre les deux, ceux qui disent que le vaccin chinois est efficace à 50% parle du vaccin ?SINOVAC' et non de ?SINOPHARM'...».

«On est obligé de diversifier»

Rahal refuse de se prononcer sur l'achat du vaccin des Laboratoires ?ASTRA-ZENECA' en faisant savoir que «depuis le 6 août, nous travaillons sur 10 vaccins, nous avons étudié tous les vaccins qui ont dépassé la phase clinique 3, nous en avons étudié la sécurité, l'efficacité, l'adaptabilité par rapport à notre environnement, si nous avons les moyens nécessaires de prendre en charge un type de vaccin qui a prouvé son innocuité, son efficacité, nous sommes preneurs, le vaccin ?Astra-Zeneca', peut-être que oui». Il explique qu'«à partir du mois de février, je vous dirai qu'aucun pays n'est capable d'assurer à sa population toute la quantité requise d'un seul laboratoire, dans l'état actuel des choses, soyons sages, on est obligé de diversifier». A propos des effets secondaires du ?Spoutnik V', le DGSS du ministère de la Santé précise «bien sûr, sur les effets secondaires mineurs, c'est clair ! Mais nous avons aussi l'Agence nationale de pharmaco et de matériaux de vigilance qui montrera tous les effets secondaires constatés sur le terrain». Pour lui, «l'Algérie a toute une histoire en matière de vaccination, nous avons toute une histoire du programme élargi de vaccination dont je suis fier, les gens oublient, nous n'allons pas jeter l'eau avec le bébé concernant notre système de santé, nous avons l'un des meilleurs programmes de vaccination sur le continent, c'est sûr. Les deux choses dont les Algériens devraient être fiers, c'est la lutte antituberculeuse et le programme de vaccination, je rends hommage à mes aînés, à mes maîtres, la vaccination c'est depuis 1969 (...)». Il affirme au sujet de la vaccination contre la COVID-19 que «dans n'importe quelle structure de proximité, répartie sur le territoire national, on constate la préparation de nos confrères, de nos paramédicaux, nous sommes prêts ! Nous n'attendons que le vaccin ». Il note ainsi que «nous avons plus de 6.100 salles de soins, plus de 200 établissements de proximité, nous avons 16 CHU, 273 PCH, sur ce plan là, nous n'avons aucun souci. En plus, nous n'allons pas recevoir les 20 ou 40 millions de doses, en même temps, donc je ne pense pas que la vaccination nous posera des problèmes, c'est une routine pour nous».

«Le vaccin est gratuit, non obligatoire mais recommandé»

A la possibilité d'associer le privé à cette opération, il interroge «pourquoi faire ? Si on était dépassé, oui...». Rahal rappelle «comme annoncé par M. le ministre, le vaccin est gratuit et non obligatoire mais recommandé, c'est pour cela que nous sommes en train de mener toute une campagne médiatique». Il est convaincu, cependant, qu'«il y a une cabale contre la vaccination depuis une dizaine d'années dans le monde. Il faut savoir qu'il n'y a pas mal de pathologies qui ont été éradiquées par la vaccination, les pays qui sont cités comme exemples pour ce qui est du vaccin anti-COVID-19, sont de très, très mauvais élèves quant au respect de la vaccination, je parle des pays européens. Je me rappelle de l'épidémie de rougeole de 2018, nous avons eu une cabale médiatique contre la vaccination et nous l'avons payé très cher (...), pas mal de monde qui a saboté cette campagne ». Juste pour le plaisir ou pour des intérêts politiques ? Lui demandons-nous. «Je ne sais pas, je ne juge pas, je constate, il faut faire attention, la vaccination est un acquis pour le pays, le programme élargi de vaccination est très important, il ne faut pas aller dans le populisme, la vaccination contre des pathologies virales, c'est réellement le salut». Il relève que «les gens reprochent au vaccin anti-COVID-19 la rapidité de sa réalisation ou de sa production, mais ce qu'ils oublient c'est que pas mal de pays avaient déjà une plate-forme préparée par rapport au SARSCOV 1 dans le début des années 2000, même nous, mais aujourd'hui ce qui nous intéresse c'est de réduire le nombre de contaminations et non pas d'avoir une immunité collective de plus de 60 ou 70%, parce que ce qui fait la particularité de ce SARSCOV 2 , c'est par rapport à ses formes graves et aux décès qu'on veut réduire au niveau des populations cibles, si c'était une grippe normale sans qu'il n'y ait des répercussions sur le plan vitale, on n'aurait pas pris ça en considération comme on le fait aujourd'hui» Le DGSS explique qu'«en matière de vaccination il faut mettre dans la balance, risque et bénéfice. Parler d'effets secondaires, oui, il y a toujours un risque, même en prenant du paracétamol, on a des risques, on peut avoir des effets secondaires (comme des troubles hépatiques), mais nous le consommons. C'est clair que chaque médicament a ses effets secondaires mais il faut que les gens pèsent le pour et le contre, risque-bénéfice».

«C'est terrible!»

Interrogé sur une éventuelle levée du confinement ou révision des mesures barrière après la vaccination, Pr Rahal répond «je ne saurais vous répondre tout de suite, pour parler d'avenir il faut attendre, il se pourrait qu'on n'utilise pas le vaccin, le SARSCOV 1 a bien disparu sans vaccination, on ne pourrait se prononcer dès maintenant, ce qu'on dit chaque fois, et je rends hommage aux membres du Conseil scientifique qui a fait un travail colossal, -ils sont volontaires depuis le mois de mars», par exemple le protocole sanitaire dans toutes les institutions de l'Etat, tout a été fait par eux ». Le DGSS se prononce sur le manque de médicaments en soutenant que «le secteur concerné en a parlé pour améliorer la situation...» A propos des CHU consacrés uniquement au COVID-19, il nous fait savoir que «ça c'est nous, je sais que c'est douloureux, on a établit avec M. le ministre des priorités, les urgences, le cancer, la femme, l'enfant, on n'a pas touché à cela ! Mais il fallait qu'on fasse un choix et il a été vite fait. Il fallait sauver des vies humaines (...)». Aux médecins qui ont relevé que les cancéreux sont morts chez eux par manque de prise en charge, il demande «qu'ils nous montrent ces cancéreux qui sont morts chez eux par manque de traitement, ce n'est pas vrai, j'ai un système d'informations devant moi. J'ai intervenu, personnellement au, sommet de la vague pour hospitaliser des malades du cancer au CPMC, à Oran, à Constantine(...). Mais choisir entre un malade qui a la vésicule biliaire et un autre qui fait une détresse respiratoire, le choix est vite fait». Il nous indique en conclusion que «nous sommes arrivés à 10.000 malades contaminés hospitalisés, en juillet ils étaient plus de 12.000, nous avons eu 2.831 décès au 16 janvier (avant-hier) dont 153 décès parmi le personnel de la Santé et plus de 11.500 contaminés au niveau du même personnel, c'est terrible».