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Interdiction du transport interwilayas: Les transporteurs clandestins «en renfort»

par B. M.

L'interdiction depuis le mois de mars dernier de la circulation des taxis interwilayas a ouvert les portes à toutes les dérives. Il est 7 h du matin, une circulation intense au rond-point de la station d'El Bahia. Les voitures circulent dans tous les sens. Les forces de l'ordre sont sur place pour veiller à l'ordre.

A cette heure-ci, il fait encore noir, mais les trottoirs sont bondés de gens qui attendent le transport. Tout le monde guette les taxis de la ville pour aller à destination.

D'autres, plus nombreux encore, guettent les clandestins qui font les longs trajets. L'activité des taxis interwilayas est, certes, gelée, mais le transport extra-muros est très actif. La station d'El Bahia s'est transformée dans cette période de confinement en une station de taxis parallèle où des voitures de toutes marques font le pied de grue dans les ruelles se trouvant à proximité pour transporter les clients voulant se rendre dans d'autres wilayas.

Dès qu'une personne passe dans ces environs, elle est vite interpellée par les propriétaires de ces véhicules garés lui proposant leurs services.

Au début, tout laisse croire que ce transport se déroule dans l'anarchie la plus totale, mais très vite, on s'aperçoit qu'en fait il s'agit d'un transport clandestin bien organisé puisque pour de telles prestations de services, il faut s'adresser d'abord à une personne, un chef de quai, qui vous oriente vers une autre personne, cette dernière vous conduit jusqu'à la voiture du transporteur clandestin. Il s'agit d'un service payant. Chaque client ramené, une commission est versée à celui qui l'a déniché.

«Pour celui-là, vous encaissez 3.000 DA et pour la femme 2.000 DA», dira le chef de quai au transporteur. Il est 7h30, il manque un client encore avant de démarrer. Le clandestin laisse les deux clients dans la voiture et se dirige vers le rond-point d'El Bahia pour chercher un troisième client. Ce n'est que vers 8 h que la voiture démarre à destination d'Alger, laissant d'autres véhicules garés dans les ruelles, attendant leur tour pour faire le plein. Durant tout le trajet, le transporteur ne semblait pas soucieux du contrôle de véhicules dans les barrages. Son seul souci était de placer le masque ainsi que les clients à l'approche de chaque contrôle de voitures.

Durant tout le voyage, il fera marcher un CD religieux avec un volume élevé pour ne pas sentir le long trajet de la route. Une fois arrivée à destination, la cliente descend du véhicule pour payer les 2.000 DA convenue au départ. Mais le transporteur ne semble pas satisfait: «Le prix c'est 3.000 DA madame». «Votre collègue a dit 2.000 DA à la station», dira la dame. «C'est son problème, moi, je veux mes 3.000 DA».

Dans cette discussion qui ne semblait pas se terminer entre le clandestin et la cliente, une voiture de la gendarmerie est de passage. En voyant les gendarmes le fixer, le clandestin coupe court la conversation, monte dans sa voiture et continue sa route.

Le transport interwilayas est devenu une aventure risquée en cette période de confinement. Les clandestins trouvent leur compte dans cette interdiction et les citoyens, obligés parfois de se déplacer dans d'autres wilayas pour régler leurs affaires, sont contraints de demander les services du transport clandestin. D'un autre côté, les chauffeurs de taxi extra-muros lancent des cris de détresse suite à 8 mois de chômage, qui commence à peser lourd sur la profession.