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SUSPICION

par Abdou BENABBOU

Mettre toutes les tares et les disfonctionnements de l'économie nationale sur le dos de la pandémie actuelle est une direction à ne pas prendre et l'accusation n'est pas à accepter comme argent comptant. Elle n'agit que dans l'activation et la multiplication des travers bloquants qui ont de tout temps contrarié au plus haut point la majorité des acteurs économiques du pays.

La bureaucratie et ses méfaits ont depuis longtemps pris des visages hideux pour compliquer, sinon pour terrasser les initiatives et il faudra applaudir devant les premières mesures présidentielles prises pour venir à bout de ce fléau. La partie n'est pas gagnée d'avance car il est besoin de forer en profondeur pour accéder aux racines de la pieuvre avec ses tentacules qui étouffe l'ensemble de la société.

Pour amplifier le désavantage que subissent les Algériens et pour démultiplier les blocages, un autre phénomène anesthésiant vient de s'installer depuis que la justice s'est ébranlée. Au grand désarroi des administrés, la majorité des gestionnaires à quelque niveau qu'ils soient fuient maintenant la prise de décision pour laquelle ils sont investis et grassement payés. La peur de signer le moindre acte de gestion s'est installée dans les étages, les plus hauts comme les plus bas, de l'administration pour presque confondre engagement honnête et responsable avec le spectre des tribunaux et de la prison.

Quand on se rend compte que même des walis, des ministres et des chefs de gouvernement sont susceptibles d'incarcération, la prudence exagérée devient une seconde nature au point d'étouffer le cours normal administratif et économique du pays. De fait, la pandémie dans un paradoxe désobligeant à l'extrême devient un abri providentiel pour cacher les incompétences et les mauvaises consciences.

La loi et la légalité se couvrent d'une suspicion généralisée pour s'allier aux conséquences désastreuses nées de la pandémie. La colossale crainte qui s'est installée a transformé la législation normale en agent pourfendeur de la plus petite des décisions et du parcours vital du pays.