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Tiaret: Un thé à la «Place Rouge»

par El-Houari Dilmi

Dans un piteux état, la mythique «Place Rouge» périclite à vue d'œil, comme pour crier la douleur d'une ville qui va à vau-l'eau. Fidèle à son «statut» de «bourse à ragots», plus personne, ou presque, ne fait plus attention aux coups de Jarnac portés dans le dos dans ce haut lieu de la mémoire collective locale. Mardi, il est 10 heures passées.

Au milieu d'une place où les détritus en tous genres ont depuis longtemps pris possession des lieux, les «Ouled bled», le regard comme blasé, sont agglutinés, parlant de tout et de rien. Au beau milieu de la place, si chère à feu Missoum Boumediene et Chaïb Maâchi, et tous leurs compagnons de lutte, trône le kiosque de Aâmi Boucetta, considéré ici comme l'une des armoiries de l'antique Tingartia. Jadis haut lieu de la culture du vivant de Aâmi Boucetta, disparu par un triste matin du 02 janvier 2011, le kiosque à journaux s'est adapté aux «mœurs du temps» pour proposer à ses clients du thé, agrémenté de gâteaux traditionnels, comme le kaâbouche ou encore du «baghrir», une sorte de crêpes au miel particulièrement appréciées ici.

Dans une ambiance bon enfant, nombreux sont les Tiarétiens qui se rendent dans une sorte de pèlerinage vers ce célèbre kiosque, aujourd'hui tenu par le fils aîné du plus célèbre vendeur de journaux sur la place de Tiaret. Et même si les journaux sont toujours vendus dans le plus célèbre kiosque sur la place de Tiaret, un sentiment de tristesse et de nostalgie règne sur la «Place Rouge», comme victime du changement de l'ordre des priorités dans une giga-cité en perte totale de ses repères.

Considérée jadis comme l'âme authentique de la ville de Djelloul Ould Hamou, la Place du 17 Octobre 1961 (ex-Place Rouge) est aujourd'hui dans un piteux état, au plus grand désarroi de ceux qui se souviennent, le cœur brisé, de cette belle époque des années soixante-dix où l'ensemble intégré du marché couvert (aujourd'hui en ruine), la Place Rouge, les arcades et leur mythique hôtel de Nice et le mausolée de Sidi M'hamed, étaient vécus comme le deuxième soleil qui brillait de mille feux sur une ville qui ne cesse de geindre et de (re) geindre à celui qui veut bien lui tendre une oreille attentive. Lieu de rendez-vous des «Ouled bled» comme le veut la mentalité «vernaculaire», l'ex-Place Rouge n'est plus aujourd'hui qu'une sorte de décharge publique, noyée au milieu de la plus grande concentration humaine de toute la ville.

Comble des combles, le jet d'eau, implanté au beau milieu de la place, voit son bac intérieur utilisé comme un vide-ordures, et ses pompes immergées dérobées, sans que personne ne se rende compte de l'innommable forfait.

Plus en amont, à un jet de fronde de là, la place des Chouhada (ex-Place Carnot), est aujourd'hui, elle aussi, considérée comme le cœur fatigué de l'antique Tihert et pour cause. Même si de nombreuses familles et autres Tiarétiens nostalgiques continuent à se rendre sous l'arbre où furent pendus Ali Maâchi et ses compagnons, un certain 08 juin 1958, l'ex-place Carnot, entièrement réaménagée à coups de milliards, se dégrade à vue d'œil. Les « semblants » de jets d'eau ne servent plus qu'à un réceptacle où des déchets en tous genres y sont jetés sans vergogne aucune.