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Le perturbateur des mauvaises pratiques

par Abdelkrim Zerzouri

Cette troisième injonction émanant du ministère du Commerce qui fait obligation aux commerçants de mettre à la disposition des consommateurs, avant le 31 décembre prochain, des instruments de paiement électronique pour leur permettre de régler leurs achats à travers un compte bancaire ou postal, sera-t-elle la bonne ? De précédentes mises en demeure lancées aux commerçants, pour qu'ils se dotent des terminaux de paiement électronique (TPE), n'ont pas eu l'effet escompté. L'histoire des tentatives visant la généralisation de l'usage des TPE à travers le renforcement du cadre législatif afférent à cette pratique remonte à l'année 2018, où la loi de finances de la même année faisait obligation aux commerçants de mettre à la disposition de la clientèle les TPE pour régler leurs achats, avec comme date butoir le mois de décembre 2018. Passé ce délai, rien.

Et les autorités ont dû repousser cette échéance jusqu'au mois de décembre 2019, toujours à travers la loi de finances de 2019, obligeant les commerçants à se doter des TPE à partir de cette date pour éviter les sanctions qui s'ensuivent en cas de non-respect de cette mesure. Mais, toujours rien.

Dans son exposé des motifs, la Commission des finances et du budget de l'APN qui a introduit l'amendement en question dans la loi de finances 2019 portant cette disposition, ce report d'une année permettra d'un côté aux opérateurs économiques, notamment les commerçants de se conformer à cette disposition et donnera la possibilité à l'outil de production national de répondre favorablement à ce besoin en TPE, et d'un autre aux entreprises financières de mettre à niveau leur plateforme de paiement électronique. Enfin, il y a eu quand même un léger progrès enregistré sur ce registre en 2019, car les statistiques indiquent que pas moins de 274.624 transactions ont été effectuées en 2019 via les terminaux de paiement électronique (TPE), avec un montant de 1,92 milliard de dinars. Soit une croissance de 43,56% par rapport à 2018. Aussi, on enregistre en 2019 une hausse de 54,33% de TPE (23.762 terminaux) en exploitation par rapport à l'année précédente. Mais, de l'avis des spécialistes, ces chiffres sont insignifiants par rapport aux cartes magnétiques distribuées par les banques (2,2 millions de cartes CIB) et Algérie Poste (5,53 millions de cartes Edahabia), selon des chiffres arrêtés à 2019.

En quoi, donc, cette décision qui oblige les commerçants à mettre à la disposition des consommateurs des instruments de paiement électronique, et qui intervient pour la troisième année consécutive en application d'un article de la loi de finances, peut-elle être différente ? Le point qui laisse entrevoir « une suite à donner » à la décision en question, contrairement aux années précédentes où le manque de fermeté des autorités se conjuguait au manque d'entrain des commerçants, est celui relatif aux accusés de réception à délivrer par les services compétents relevant des banques ou d'Algérie Poste aux demandeurs d'équipement des locaux commerciaux en moyens nécessaire (TPE, QR Code), en vue d'assurer le service e-paiement. C'est le seul document qui fait foi de la bonne volonté du commerçant à se conformer à la règlementation lors du passage des contrôleurs. Mais, il faut reconnaître que le passage des contrôleurs ne peut pas, à lui seul, régler un problème de mentalité usée à la pratique de l'informel. Le client, presque engourdi par une carte magnétique qui ne lui sert qu'à retirer les liquidités à partir des distributeurs automatiques, peut également avoir une fonction d'incitateur à la généralisation de l'usage des TPE. En présentant une carte magnétique au commerçant à la fin des achats, à accepter ou à abandonner tous ses achats devant le caissier, le client jouerait le rôle d'un perturbateur des mauvaises pratiques ancrées dans le commerce.