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Football national: La rue, un rôle essentiel

par M. Zeggai

Aujourd'hui, la rue est devenue partie prenante dans la gestion de clubs, censés pourtant adhérer à des règles professionnelles. Des marches et des sit-in sont devenus une marque déposée dans le football algérien. Ce nouveau phénomène est venu se greffer à la gestion d'une discipline, déjà minée par des rumeurs de matches arrangés, d'irrégularités réglementaires, des faillites des SSPA et de tout un arsenal de faits contradictoires. A Relizane, les fans du RCR veulent l'intervention des autorités locales pour mettre fin à la situation de leur club et exigent le départ du président Mohamed Hamri et de sa direction.         

A Sikida, le public de la JSMS, qui vient de retrouver l'élite, a organisé un sit-in devant le siège de la wilaya pour demander la venue d'une société en tant qu'actionnaire majoritaire. C'est la même revendication chez les supporters du MCO et de l'USMBA. Les Belabésiens ont sollicité les hautes sphères de l'Etat pour venir en aide à leur club qui se dirige vers la disparition.

Le public du MCA s'est également mis de la partie, tout comme son homologue de l'ESS, qui continue à revendiquer sa participation à la Ligue des champions d'Afrique. A la JSK, des voix se sont élevées pour réclamer le départ du président du club. Les Nahdistes, eux, sont aussi montés au créneau pour contester la gestion des dirigeants et le bras de fer Ould Zmirli-Saoudi qui a été préjudiciable au Nasria. Les fans harrachis, en présence de quelques anciens joueurs, ont fait entendre leurs voix également contre le président Mohamed Laib, qui s'accroche à son poste malgré son échec. Pour leur part, les supporters de l'OM et ceux du WAT comptent investir la rue comme en témoignent les appels sur les réseaux sociaux.

Comment est-on arrivé là ? De nombreux observateurs estiment qu'il s'agit d'une mentalité malsaine afin de préserver certains intérêts, sans oublier l'ingérence directe ou indirecte des walis dans la gestion des clubs. Ce sont aussi les conséquences des matches arrangés, des accusations entre dirigeants et de l'absence de contrôle des deniers publics, ainsi que le manque de respect des critères adéquats au rôle de dirigeants, des présidents de clubs et de la réglementation. «Pourtant, nul n'est censé être au-dessus de la loi», ne cesse-t-on de répéter.

Cela a amené le football algérien à subir des répercussions du mouvement populaire de contestations pour mettre fin à des pratiques malsaines et dénoncer des affaires de corruption, encouragées par un système décrié par tout le peuple algérien.

Les supporters algériens, se sentant leurrés et trahis, ont ce reflexe d'investir la rue, revendiquant le départ des dirigeants et exiger des changements radicaux. Il fallait s'attendre à cette confusion dans la mesure où nous n'avons jamais pensé inculquer à nos jeunes supporters une véritable culture de football. A-t-on enseigné les véritables valeurs du football à notre jeunesse ? A-t-on inculqué à nos jeunes les voies menant au développement de notre sport-roi ? A présent, c'est la confusion, et il ne se passe pas un jour sans voir des supporters d'un club envahir la rue pour exiger des sociétés. C'est dire que la plupart des dirigeants actuels ne font plus l'unanimité et n'inspirent plus la confiance du public.

Les clubs algériens sont devenus sources d'argent facile. On parle, selon une étude, de dix mille milliards de centimes de subvention et des dettes avoisinant les deux mille milliards de centimes.

Est-il concevable d'injecter tant d'argent sans avoir formé des joueurs répondant aux critères de performance ?

Depuis l'instauration du professionnalisme, aucun club n'a été soumis à un contrôle des autorités compétentes. Aussi, certains présidents, encouragés par des subventions sans aucun contrôle, ont pris cette manie de démissionner sans que personne ne leur demande des comptes. Et pourtant, une démission d'une société par actions est soumise à des lois bien explicites dans le code du commerce et dans les décrets exécutifs régissant les clubs professionnels de football. Tout le monde sait qu'il est strictement interdit de gérer les clubs pros avec l'argent du contribuable mais, pour contourner cette loi relative à la distribution des subventions étatiques, nos décideurs ont trouvé une autre astuce, celle du contournement du versement de l'argent au club sportif amateur (CSA), qui s'empresse ensuite de l'injecter sur le compte de la société sportive par actions (SSPA).

Que dire alors lorsque des walis donnent de l'argent à des clubs et que d'autres ne le font pas ? Des bilans des SSPA qui ne sont pas remis aux temps exigés par la loi au vu et au su des commissaires aux comptes ?

L'autre anomalie est que certains clubs ont bénéficié de l'apport de sociétés étatiques contrairement aux autres qui revendiquent toujours ce droit. Ce manque de considération et cette politique du deux poids deux mesures ont fini par créer un climat malsain. C'est tout de même l'argent des deniers publics et la répartition devait se faire en fonction des critères de priorité et de hiérarchie. A présent, seule une décision politique pourrait sauver la face, car le football est devenu un enjeu économique et sportif très important.