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Le gaz clarifie la discrétion d'Erdogan ?

par Abdelkrim Zerzouri

Engagée politiquement et militairement dans le conflit libyen, la Turquie garde un silence énigmatique après l'annonce, le 21 août dernier, d'un cessez-le-feu en Libye, simultanément par le président du conseil présidentiel du gouvernement d'Entente nationale libyen, Fayaz Al-Sarraj, et le président de la Chambre des représentants, Aguila Salah. Hormis l'absence de toute réaction de la Turquie, pays qui a apporté un soutien militaire salutaire au gouvernement de Tripoli dans sa guerre contre les forces de Khalifa Haftar, l'initiative a été saluée partout, par l'ONU, l'UA, l'UE, les pays voisins et pratiquement par tous les pays arabes. Une discrétion qui surprend plus d'un, plus que le brusque retournement de situation dans ce pays déchiré par un conflit sanglant depuis la chute de Mouammar El Kadhafi, en 2011.

Il est vrai que les efforts qui tendent vers l'arrêt des hostilités n'ont jamais cessé, y compris dans des moments où les affrontements violents entre les antagonistes faisaient rage, et cette tendance vers la fin du langage des armes a été plus marquée depuis la déclaration du Caire, au mois de juin dernier, à travers laquelle le maréchal Khalifa Haftar a lancé un appel unilatéral à un cessez-le-feu, mais les trêves ont toujours été de courte durée. Plus déroutant encore ce silence de la Turquie lorsqu'on revient un peu en arrière, lors de la déclaration du Caire, où le chef de la diplomatie turque a qualifié l'appel effectué depuis la capitale égyptienne pour un cessez-le-feu en Libye de « pas sincère » et de le considérer «mort-né».

Comment en arrive-t-on aujourd'hui à se taire devant le même appel, cautionné séparément par les deux autorités rivales ? Peut-on imaginer un seul instant qu'Al-Sarraj, le chef du gouvernement d'union nationale (Tripoli), puisse prendre une telle décision sans consulter ses alliés turcs ? C'est presque du domaine de l'impossible. Chose qui laisserait croire qu'Erdogan a donné son feu vert à Al-Sarraj pour accepter l'appel au cessez-le-feu. Pourquoi alors ce revirement de la Turquie ? On pourrait penser qu'Erdogan profite de cette trêve pour concentrer ses efforts sur d'autres fronts, en Syrie et en Méditerranée orientale notamment. Il y a également cette découverte par la Turquie en mer Noire du « plus grand gisement de gaz naturel de son histoire », selon une déclaration du président turc Erdogan lors d'un discours à Istanbul, prononcé le 21 août dernier, soit le jour même de l'annonce du cessez-le-feu en Libye.

Des réserves estimées à 320 milliards de mètres cubes de gaz, qui réduiront la dépendance de la Turquie aux importations des hydrocarbures, dont la facture annuelle s'élève à 11 milliards d'euros. Avec une telle découverte, Erdogan ne devrait pas trop se risquer dans le bourbier libyen ? Cela expliquerait son silence au sujet de l'annonce de l'arrêt des hostilités, tant qu'on sait pertinemment que le pétrole et le gaz font saliver presque tous les pays qui soutiennent l'une ou l'autre autorité en Libye.