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Mesurer les distances à l'œil nu

par Hamid Dahmani

Notre organe de vision n'arrive toujours pas à capter la lumière. Tout le monde sait que la vue c'est la vie, et c'est pour cela que notre médecin nous recommande toujours de prendre bien soin de nos yeux pour profiter du bonheur qui nous entoure. Avoir le bon œil, c'est être en bonne santé, dit une expression judicieuse. Les gens qui ont le don de la mesure ont un compas dans l'œil, dit-on également. Il faut aussi savoir que ces doués sont capables de mesurer les distances à l'œil nu ou de donner le poids d'un objet rien qu'en le regardant. Quand on n'a pas sous la main les moyens de mesure ou d'évaluation, on dit « Ainek hiya mizanek » (ton œil est ta balance). Mais les mauvais maçons sont, eux aussi, des champions de « ainek hiya mizanek » et sont le meilleur exemple de la médiocrité, parce qu'ils n'ont aucun sens de la mesure dans le travail qu'ils fournissent. Ils érigent des murs tordus sans l'aide d'instruments de niveau ou de fil à plomb.

La balance est un instrument de mesure et de pesage de victuailles ou autres choses que nous achetons au souk ou chez l'épicier du coin. La balance c'est aussi le symbole de la justice, mais malheureusement sa pesée n'a pas été toujours juste et équitable pour les hommes. Les gens expérimentés savent comment mesurer une distance d'un point à un autre, juste à l'œil nu, par expérience. Avec un bon œil averti, on peut juger ou évaluer des distances, le poids, ou la valeur des objets approximativement. Quand on mesure la portée d'une fête durant ses préparatifs, on prévoit toujours « les en cas » et on se dit « belmiz » (à peu près) il y aura 150 à 200 invités pour la fête de ce soir.

Le temps a aussi ses mesures qui se calculent par tranches d'âge, par jour, par mois, en années ou par siècle. Le temps c'est aussi les heures, les minutes ou les secondes que nous vivons dans cet espace de la vie. Aujourd'hui la datation des objets et vestiges d'époque est faite avec précision grâce à la technologie avancée du carbone 14. Quand on se remémore le souvenir du bon vieux temps, on mesure ainsi la valeur du temps et la valeur de notre existence dans ce monde. « Ya hasrah ! », hier, c'était le bon temps, et on vivait bien notre jeunesse. C'était le meilleur temps de la vie, et on était heureux sans rien. Quand le bon temps n'est plus là, et qu'il reste égaré dans le néant, le temps présent nous paraît mélancolique.

L'absence de bonheur est une mesure profonde de notre tristesse. Le temps ne veut pas revenir sur ses pas pour nous faire goûter au bonheur d'antan. Dans le présent il n'y a pas de juste mesure pour tous dans la vie qui nous entoure. Tout se gâche, avec ce grand saut fait par l'humanité dans la technologie ravageuse. Le travail soigné d'hier est parti avec « moualih » (les siens). Aujourd'hui, il n'y a aucune mesure dans la fonctionnalité de ce bled. Dans ce douar qui roupille, on ne connaît pas la raison qui pousse les gens à ne pas se retrousser les manches et à gagner dignement son pain à la sueur de son front. Dans ces moments de panne d'idées, on ne connaît pas la juste mesure du temps et de sa valeur. Quand la juste mesure n'est pas respectée et que la raison est piétinée, les inconscients se mesurent et se battent pour s'imposer ou faire valoir leurs idées débiles. Dans ces moments de peine et de peur, les gens sont stressés et ils ont peur de l'épidémie qui les guette partout sur cette planète. Le coronavirus est une épidémie qui ne pardonne pas, donc il faut bien mesurer cette menace en respectant les consignes sanitaires dictées par les responsables. Donc, la sagesse nous conseille de mesurer nos mots, de mesurer le danger, de mesurer le temps et de mesurer régulièrement sa tension pour être au top avec le temps. Pour être à jour avec les rendez-vous, il faut avoir les mensurations idéales et une montre-bracelet au poignet pour prendre le train à temps...