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Les masques ne doivent pas tomber

par El Yazid Dib

Deux actions, un comportement et un peu plus. Couvrir son visage, conduire son corps et se laver les mains. La meilleure bouée de sauvetage dans cette horrible tempête virale c'est de s'accrocher à sa propre conviction du danger qui plane à vos alentours

Malheureusement, ce sont les chiffres journaliers qui les font tomber. Nous frôlons l'âge adulte de la pandémie. Nous ne sommes plus à l'ère ni à l'heure de chercher un quiconque responsable. Le virus n'est pas algérien, il n'est pas membre du gouvernement ou un hirakiste embusqué. Si ce n'était son envergure planétaire, nous aurions dit qu'il s'agit là d'une main étrangère, d'un règlement de compte au sommet ou d'un clan oligarchique, islamiste ou laïc. Bref. La mort est au seuil de chaque baisse de vigilance. Que nous reste-t-il à faire ? Laver autant que possible ses mains, prendre ses distances et porter, oui porter bien son masque. Masquez-vous, on ne tourne pas un film, ni ne sommes dans un bal masqué. Prévention point barre.

Masque ; ceinture de sécurité

Un casque conserve une tête, la protège contre tout choc. Un masque la prémunit de toute maudite inspiration et lui filtre toute mauvaise expiration. Il peut être décoré, coloré sans être toutefois un pendentif ou tenir lieu de justification présente en cas d'infraction. C'est vrai que l'on n'a pas trop radoté- la communication institutionnelle - sur toutes les façons maladroites de croire le porter. Une pédagogie sur la doctrine du masque, ses modalités, ses contextes et contextures, ses déviations, ses écarts de port est à enseigner, à rabâcher comme l'on décompte chaque jours les contaminés et les disparus. Le masque est plus qu'une ceinture de sécurité. Elle , peut sauver ou sauve des vies. Lui, il épargne la souffrance, l'étouffement puis la mort. Les deux sont des gestes qui ne coûtent rien en effort mais coûtent la vie en paresse. Le masque ne cache pas un visage, il ne flétrit aucune beauté et met bien en évidence un souci de protection. Un bout de tissu, une surface de toile, quelques centimètres carrés à se faire coller à la face deviennent un rempart. L'obligation est dans son port, pas dans détention. Le menton est une surface imperméable, il n'a aucune cavité qui puisse être couverte pour ne pas permettre à une menace de conquérir les canaux. ca ne sert à rien de ne pas, avec pouvoir fermer sa gueule et boucher ses narines. Bien au contraire ca va servir à l'autre d'envahir ton espace thoracique et y foutre la pagaille.

En le mettant adéquatement, tu ne vas bâtir une muraille sur ta figure ni ériger en béton armé une citadelle. Tu vas juste te permettre et permettre aux autres, aux tiens de cheminer encore et tranquillement leurs jours. C'est en te masquant que l'on dévoilera tes vertus. Que l'on saura te reconnaître et t'identifier. Ne crains pas qu'ainsi ton sourire ira vers l'intérieur pour s'évaporer dans une buée ou dans un souffle te paraissant étranglé. Dans ces cas là, le sourire ne scintille plus aux orées des lèvres, mais bel et bien dans l'éclat radieux des yeux qui s'accrochent encore à l'admiration du cosmos, des gens et des belles choses. C'est dans le regard que l'on apercevra la plénitude de l'expression.

Lui aussi, ce malicieux et vilain virus avance masqué. Sournois et jaloux, il a horreur de ceux qui lui font face par un masque. Masque contre masque tu le feras périr. C'est une guérilla permanente tant le danger est à quelques pas, parfois à coté, derrière, en face ou l'on ne sait ou.

C'est comme dans cette situation où l'homme se retrouvant impuissant devant la crue houleuse d'un débit mortel pour pouvoir changer son cours, il fait œuvre dans la digue, le barrage en attendant l'accalmie et le beau temps. Cet homme qui sait faire des choses dans le bien et d'autres dans ce mal qui tue ; à défaut d'arriver à toucher un vaccin a crée le masque imitant la nature de toute chose. Un mouchoir bucco-nasal est capable de décriminaliser ses positions meurtrières. Rien n'est plus à prendre à la légère.

Il vaut mieux garder ses distances

Ça se dit en général à l'égard d'une méchanceté, d'une situation ou d'un fait que l'on sent porteur de mal. Parfois, on le dit en termes de détermination volontariste, soit : il vaut mieux prendre ses distances. Là, c'est une question de rupture, un retour vers ce qui est originel. Etre chez soi. Alors que dire de garder et prendre ses distances avec une menace virale de proche proximité ? C'est tout aussi simple. Eviter au maximum possible la densité, ce taux de remplissage au mètre carré. Si le port du masque est une possibilité aisée, respecter une distance est tache ardue, pas impossible mais pas toujours possible. L'on ne peut avoir en exclusivité un trottoir, un comptoir, un guichet ou un étalage d'épicerie. L'on ne peut former qu'un passant parmi tant d'autres, qu'un client parmi toute une clientèle, qu'un redevable parmi tant de concitoyens, qu'un émetteur à soi-même de cheque de pensions parmi tant de retraités.

Le respect de la distance recommandée n'est pas uniquement un problème de personnes. Il est surtout organisationnel. Avec la durée restreinte du confinement qui d'ailleurs n'est que salutaire ; il se produit un tassement dans l'horaire permis. Tout le monde s'agglutine au cours de ce laps de temps. Alors que de 05 heures à disons 08 heures, la plage du temps est quasiment libre. Un ami me taquinait en voulant que j'écrive qu'il appartient à l'Etat de faire ouvrir tôt les agences postales, les succursales de paiement , Sonelgaz, Eau, Opgi, Impôts, état civil et tout autre service public. Arguant cela, que s'agissant de fonctionnaires ou d'agents d'entreprises publiques ils sont astreints au volume horaire de 08h/jours. Ils n'auront, me disait-il que 06 heures de boulot, soit de 06 à 12 heures. Bonne idée lui dis-je, je l'a transcris, à eux d'en titrer la moelle. Ainsi, peut être en étirant le temps, l'on peut séparer les gens et éclater les files et les chaines. La façon de se distancier se passe d'abord dans le choix du temps et de l'espace. Ça devient presque une méthode de tactique militaire. Douter de tout ce qui vous approche. Réfléchir préalablement au comment le détourner ou s'en détourner. Epier de loin, placer des alertes acoustiques sur ses flancs et ouvrir prudemment son chemin, sur la pointe des pieds, en silence. Drôle et bizarre cette posture. On espionne l'autre, on croit l'avoir à l'usure. Peine perdue.il vaut mieux se caser, se congeler chez soi jusqu'au jour où le monde annonce que tout revient à la normale. Au besoin, se confiner dans la peau d'un commando en mission spéciale pour l'achat d'une baguette ou le retrait de minable solde. Encore que, par fatalité , se racornir dans ses ghettos et se fortifier dans ses illusions ça ne fera qu'augmenter les anomalies qui nous entourent, ceux qui sont nées de nos propres maladresses.

Opération mains propres

Oui, c'est une opération qui s'avère très importante pour lutter contre la corruptibilité des doigts et des ongles qui se compromettent insidieusement dans des vices malins et malsains. On ne la trouve dans aucun programme électoral. Elle est cependant dans les cahiers de la santé mondiale. Dans les vertus des ablutions et les bonnes manières d'une société qui sacralise le beau, le propre, le sain. Il ne suffit pas d'avoir les mains propres dans le sens politique, mais cette fois-ci c'est une exigence physique, corporelle. Se limiter à les rincer reste une moquerie envers sa vie. On ne se moque pas du destin quand les défauts naissent en nous, entre nos propres mains. Il est de ces choses dans le Droit qu'on ne peut ni contrôler ni réprimer tant la commission que l'abstention. Verbaliser le non port du masque est possible, le faire pour la distanciation est aléatoire, mais regarder les mains de chacun ça renvoie a l'hygiène scolaire des classes primaires d'antan. Celui qui en a l'habitude ne pourra s'en départir, l'autre, son contraire est un produit parental mal fabriqué. En vrai cette opération est une intimité, une affaire strictement personnelle. Pas besoin de recourir à la force publique pour faire laver les mains de tout un peuple. Car c'est de là, de cette extrémité digitale que se réalise tout contact. Dans une légende mal établie ou rapportée différemment, il est dit chez nous , que chaque main possède une fonction donnée. L'on mange avec l'une, l'on se « toilette » avec l'autre. Et un proverbe hindou suggère ceci : « une main lave une autre, les deux lavent le visage. Laisse-toi laver le dos, mais lave ton ventre »

Avec l'état engorgé de nos hôpitaux, la surcharge professionnelle des praticiens, la croissance alarmante et inattendue des cas , la situation n'ira pas en s'améliorant si l'on lui rajoute l'inattention suicidaire d'une certaine population.

Avec deux actions et un comportement le vaccin, certes ne verra pas le jour en nos laboratoires qui peinent au moindre dépistage, mais l'on aura à atténuer la propagation de la catastrophe. Ça ne coute rien, 30 dinars un masque grand public, un effort pour se gargouiller les mains et une volonté pour métrer sa distance.