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La maladie et le mal inné

par Abdelkrim Zerzouri

La crise sanitaire due à la pandémie de la maladie à coronavirus (Covid-19) est-elle en train de faire naître un sentiment de malaise psychique généralisé au sein du personnel soignant dû à l'anticipation du danger réel de contamination et autres circonstances aggravantes ?

L'afflux de malades vers les hôpitaux enregistré ces derniers jours, le manque d'équipements par faute d'une organisation efficiente de la logistique, la propagation des contaminations au Covid-19 au sein des personnels de la santé, atteignant la barre de 1700 cas depuis le début de la pandémie, dont de nombreux malades qui ont succombé, sont des signes annonciateurs d'une autre crise dans les hôpitaux à laquelle il faut remédier en urgence. Les pouvoirs publics, conscients de la gravité de la situation, ont fait appel à la mobilisation des professionnels de la santé en activité hors des hôpitaux et à la mobilisation d'un nombre croissant de lits dans les établissements hospitaliers, pour parer au plus pressé face à cette propagation inquiétante de l'épidémie au sein de la population.

Mais le volet relatif à la prise en charge psychologique des médecins, des infirmiers, des agents et autres ambulanciers, de cette armée blanche, selon une qualification née avec la pandémie, au front de la lutte contre le Covid-19 depuis près de quatre mois, reste le parent pauvre dans cette stratégie. Sous certaines conditions difficiles et prolongées tout être humain serait exposé à des états dépressifs. Bien sûr, le soutien matériel, dont la dotation du personnel dans les unités Covid-19 en équipements spécialisés en quantités suffisantes, l'amélioration salariale et la récente décision d'une couverture spéciale en matière d'assurances des concernés, resteraient des obligeances à valoriser, mais la prise en charge sur le plan psychologique reste des plus défaillantes. Le bouleversement de la vie quotidienne, familiale et sociale, ainsi que la peur d'être contaminé ou de contaminer un proche et la stigmatisation sociale due à cette considération, le haut niveau de stress au travail et la multiplication des cas atteints au Covid-19 sont des risques avérés d'anxiété, de dépression et d'épuisement physique et moral contre lesquels les professionnels de la santé se trouvent désarmés, voire plongés dans une profonde solitude.

Au bout, certains spécialistes affirment même que cet environnement fait courir aux soignants des risques pour leur santé mentale. Des pays dotés de systèmes de santé très performants ont été confrontés à cette dure réalité qu'est « la vulnérabilité des soignants à la souffrance psychologique » et n'ont trouvé comme solution immédiate qu'à faire preuve de soutien moral des autorités et des populations envers les professionnels de la santé au

front de la lutte contre la propagation du Covid-19. Ailleurs, des populations confinées ont trouvé moyen de faire parvenir aux soignants leur soutien en pointant dans leurs fenêtres à 20 heures avec les applaudissements nourris à « l'armée blanche », alors que chez nous, malheureusement, certains énergumènes enfoncent le clou en agressant les soignants sur leur lieu de travail ! Au-delà de la considération sociale qu'on leur doit, et qui ne se demande pas, les soignants comptent seulement sur le respect des règles de prévention, pour faire

baisser la pression sur les établissements hospitaliers. Est-ce trop demander de tenter de sauver les autres de la maladie et de leur mal inné, l'incivisme, l'égoïsme et l'esprit chaotique ?