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Prise d'otage

par Ghania Oukazi

A la chaleur caniculaire qui plonge le pays dans un état d'alanguissement et de flânerie s'interpose la pandémie du Covid-19 qui, elle, oblige à la vigilance et à la veille sanitaire permanente.

Et si l'intelligence de l'homme ne peut rien changer à la première situation, les conséquences désastreuses de la seconde sont incontestablement liées à la présence de flagorneurs qui enfoncent le système dans ses défaillances. Le déplacement de représentants du gouvernement à l'intérieur du pays pour contrôler l'état du service public ne sert pas forcément l'intérêt général.

A première vue, il contredit plutôt la première obligation légale imposée par les plus hautes autorités du pays qui est de respecter les barrières sanitaires à leur tête le port de la bavette et la distanciation physique. Les traditions ont la peau dure et la vue d'un ministre ou d'un wali, entouré de très près par de nombreux responsables locaux, en est un exemple parfait. S'il en est ainsi au niveau officiel, celui public est dramatique. Ils sont à peine quelques-uns des citoyens à porter le masque et marquer leur distance physique les uns vis-à-vis des autres. L'absence de la rigueur de l'Etat est flagrante. La pandémie du Covid-19 devrait pourtant être ce test qui vient à pic pour démasquer les petits intrigants qui parlent fort mais agissent rarement en fonction du droit et de la loi.

De ce manque de confiance qui sépare les gouvernés de leurs gouvernants, jusqu'à ces blocages administratifs qui opposent, entre autres, le jeu d'écriture à un manque de liquidités systémique et non pas en réponse au défi de la modernisation des banques et la généralisation de la monétique, en passant par le manque de vision stratégique et d'anticipation, il y a cette absence de l'Etat que seules la crédibilité, la compétence et l'humilité peuvent et savent construire. Titulaire par définition du monopole de la contrainte organisée, par opposition aux citoyens dont le fatalisme plombe l'exécution de décisions vitales, l'Etat se doit de se déployer à travers ses démembrements dans les quartiers les plus reculés pour appliquer la loi et préserver le droit et les libertés.

Médiatiser des sanctions très occasionnelles pour manquement au respect des barrières sanitaires ne peut cacher ce laisser-aller social qui est général. Il en sera toujours ainsi tant que le citoyen peinera à se faire soigner, tant que l'école troquera le savoir contre la démagogie et tant que la justice restera un appareil de prise d'otage. L'observation vaut pour tous les autres secteurs.