Les miens,
désabusés, ont compris par expérience que les choses liées au pouvoir sont
compliquées et qu'il est difficile de s'en sortir du bourbier, sans sacrifices
collectifs. Le sacrifice, c'est de croire d'abord dur comme fer à l'idéal
démocratique, de s'armer de courage et de patience face à la contre-révolution
et les manipulateurs de toutes sortes, puis d'être jusqu'au-boutiste dans la
lutte. Car, rien ne vaut que la lutte. Tracer une stratégie pour lutter sur le
court et moyen terme afin de s'épargner l'essoufflement du mouvement, participe
aussi de façon déterminante de la santé de la révolution. Le Hirak, venu à l'improviste, mais résultant d'une surdose de
colères accumulées durant des décennies, a conforté les masses dans la
certitude d'aller au but par étape. Il est vrai que, traités comme quantité
négligeable par des élites nombrilistes, les Algériens sont parvenus, en se
révoltant, à déboulonner le mythe de l'éternel chef, ancré dans la mentalité de
certains esprits fossilisés dans la haute sphère, mais cela ne les a pas
empêchés toutefois d'accuser des faiblesses d'ordre organisationnel, à cause de
manque de leadership, de vision lointaine et de charte de revendications
consensuelle bien détaillée. Avec l'apparition du Corona et le recul pris par
la révolution pour cause de confinement, l'urgence de lutter contre le virus
mortel ne devrait, en aucun cas, occulter la nécessité de parer aux autres
urgences, économiques, sociales, politiques.
Si les
gouvernants doivent impérieusement avoir à l'esprit la priorité d'éviter au
pays une récession qui va enfoncer le pays dans l'abîme, les Algériens sont
appelés, quant à eux, à repenser et à mûrir leur agenda de reconquête
démocratique. Ils peuvent faire de cette crise la meilleure opportunité qui
soit pour rompre définitivement avec la vieille doctrine «nihiliste» ayant
conduit le pays dans des impasses historiques. Les potentialités d'une
transformation intégrale existent. Il leur manque l'accomplissement en bonne et
due forme. C'est maintenant ou jamais que cela doit se réaliser. Pour cela, il
faut que la volonté politique manifestée à partir d'en haut, forte ou
velléitaire soit-telle, trouve son prolongement réel dans la rue. L'élan de
solidarité citoyenne ayant pris racine dans l'esprit de la révolution du 22
Février est une chance à saisir. En ce sens, il a ouvert le champ des
possibles, en donnant un nouveau visage à une société en profonde mutation.