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Mise à plat du moral national

par El-Houari Dilmi

Selon un médium en smoking-gandoura, les Algériens sont malheureux parce qu'ils ne savent plus quoi faire ni de leur vie plate, ni de leur temps qui avance à rebours de leur âge, ni même de leur pays, si grand qu'il donne le vertige. Comme le vide cosmique. Poussant plus loin la cryptanalyse psycho-physico-sociologique, le médium, né sans le souffle de la vie, parle de ces Algériens qui ont perdu jusqu'à l'envie de sourire comme cela se fait sous des cieux plus «riants», tellement, sous le toit «ombrageux» de notre grande maison, les années se suivent mais ne se ressemblent pas, un peu comme un homme qui court à perdre haleine derrière son ombre chinoise sans jamais réussir, un jour qui viendra, à la rattraper. Mais à interroger l'histoire ancienne mais aussi la nouvelle sur les raisons cabalistiques d'un tel «coup de savate» au moral des Algériens, d'aucuns, en regardant par le chas de nos contradictions existentielles, y voient le «résultat trop logique» de celui qui veut jouir d'un rire zygomatique sans jamais faire frétiller le moindre muscle ni de sa bouche ankylosée ni même d'une seule de ses paupières atrophiées. D'autres croient d'une foi cosmogonique que pour être heureux, il faut d'abord croire que la joie vit elle-même heureuse parmi ceux qui courent après elle. Mais sans jamais réussir à faire la course avec elle (la joie) avec en face ceux qui en profitent comme le fait un ver de terre livré à son cadavre esseulé. Un peu comme un ballon de football rempli d'air: il y a ceux qui courent après sans jamais attraper le bout de son bout, ceux qui tirent dedans pour atteindre leur but, et ceux qui jouent avec pour montrer aux autres que l'on peut devenir heureux juste en différenciant entre son pied gauche et sa jambe droite.

Etre heureux comme un martyr qui n'a rien vu, c'est un peu se mettre dans la peau d'un homme qui a cessé de vivre, c'est-à-dire, selon une philosophie nirvanique, ne rien voir de ses yeux, ne rien entendre de ses oreilles, ne penser à rien, ne s'en éprendre de rien, ne rien sentir de tous ses sens éveillés.

«A pays riche, peuple pauvre», est peut-être dans le passé d'un pays privé du droit de vivre pendant trop longtemps avec un passé qui hante les adultes et un présent qui refuse, net, de prendre la peau d'une peine de bonheur à perpétuité pour les plus jeunes ! Parce qu'un peuple qui croque la vie d'une mâchoire brisée n'a pas d'autre choix que de rêver à un monde dit «meilleur». Quand il n'a reçu de la vie qu'un seul cadeau: le désespoir, qu'est-ce qui lui reste encore à perdre ? Seul son malheur peut alors devenir son seul courage !