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Ce n'est pas à Sonatrach de repenser sa stratégie, c'est au HCE de le faire

par Reghis Rabah*

(1ère partie)



La deuxième république telle qu'elle est conçue dans le programme présidentiel d'Abdelmadjid Tebboune devra prendre l'actif et le passif des 58 ans de gouvernance de l'Algérie indépendante.

L'échec d'assoir une économie diversifiée n'est pas une affaire d'une loi des finances : complémentaire ou pas, mais exige du temps et des capitaux et dans les deux cas ce sont les hydrocarbures qui l'assureront sur le court, le moyen et même le long terme. Dans ce cadre justement et comme promis par le président de la république pour avoir même instruit le gouvernement de prendre en charge le dossier « énergie » par la mise en place « urgente » d'un organe réglementaire : le Haut Conseil de l'Energie (HCE). Il se trouve que des accords ont commencé d'être scellés impliquant Sonatrach dans le domaine qui ne le concerne pas et pourrait le dévier de son métier de base qui est la prospection, la recherche, l'exploitation, le transport, la transformation des hydrocarbures et leur commercialisation pour le compte de l'Etat qui se chargera de mettre des moyens nécessaires aux autres secteurs pour leur développement. Ce que visent les souhaits du président de la république lors de la présentation de ses vœux aux citoyens à l'occasion de l'Aïd El Fitr (01) : « une économie diversifiée et affranchie de la dépendance aux hydrocarbures, garantissant à tous la prospérité dans le cadre d'un Etat démocratique, fort et juste » est un objectif qui demande une préparation, fondé sur des hypothèses, comporte des incertitudes voire des risques et donc ne peut se faire avec une certaine hâte mais réfléchie dans un cadre collégiale qui implique les pouvoirs publics et ne peut être aussi en aucun cas l'œuvre d'une vision laissée aux bons soins d'un groupe ou d'une entreprise combien même dotée d'experts de haut niveau. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'un engagement d'un Etat pour le développement de tout un pays. Le mastodonte a déjà connu ce genre de décision prise avec une certaine précipitation et dont les résultats se sont avérés plus tard catastrophiques, Sonatrach en trainent ses séquelles à ce jour. En effet, les différents chocs pétroliers dont celui de la moitié des années 80, appelé aussi contre choc, a montré que finalement, la chute des prix du pétrole suivi après par la détérioration du cours du dollar que de nombreux analystes présentent comme la cause principale de la crise en Algérie, n'ont pas suffisamment insisté sur l'origine de la fragilité du système économique. Il a été établi que ce n'est pas le modèle de développement qui a fragilisé l'économie nationale, en la rendant fortement dépendante de l'extérieur mais plutôt la réorientation économique des années 80 qui a affecté le modèle de développement pour le rendre fortement dépendant. Qu'en est-il dans les faits ?

1-Cette réorientation a été l'œuvre d'un groupe et non d'une stratégie d'Etat

Le discours mimé des Etats Unis donnent des implications immédiates sur le terrain par un groupe « d'experts » : le gigantisme des sociétés nationale, l'efficacité budgétaire selon le principe « small is beautiful », la nécessité d'abandon immédiat des hydrocarbures comme stratégie de développement, internationaliser l'entreprise et enfin la préparer au tout privatisable. Conséquence : en 1982 on a procédé à la restructuration organique et financière de Sonatrach, on a aussi tenté au nom d'une meilleure efficacité de gestion, d'imposer de nouveaux objectifs à l'institution publique en général et à l'entreprise en particulier, sans pour autant changer l'environnement dans lequel elle évoluait entre autres, la levée des contraintes d'ordre politique résultat du plein emploi : Les témoignages des cadres et des ouvriers ont montré que cette restructuration organique s'est effectuée au prix d'un grand sacrifice des travailleurs qui devaient subir les inconvénients des changements d'affectation perturbant ainsi leur relation de travail et même leur rythme familial avec tout ce qu'ils peuvent impliquer dans la vie sociale des intéressés (déménagement, scolarité des enfants etc.) et ceci n'a fait qu'amplifier leur frustration et renforcer leur manque total de confiance et favoriser ainsi l'instauration d'un climat de psychose dans les institutions publiques. Cette déviation des objectifs d'intérêt général a permis l'émergence des intérêts de groupes tout en favorisant leur dynamique. Ensuite, Chakib Khelil durant son passage de plusieurs mois à Sonatrach en cumulant en même temps la fonction de ministre lui a largement suffit pour et, il n'est exagéré de le dire procéder à un « viol » de la structure des valeurs de base que l'entreprise a développées depuis près de 40 ans et qui lui a permis de surmonter ses problèmes d'adaptation externe ou d'intégration interne. Il a acculturé l'entreprise pour avoir imposé des procédures ramenées d'ailleurs et pour lesquelles l'entreprise n'était pas encore prête à accepter comme les brainstormings et les « R » qui marginalisent le code des marchés.

Quant au dernier, Ould Kaddour il visait à la réorienter « business », internationaliser l'entreprise en la mettant entre les mains des géants pétroliers dans une concurrence déloyale externaliser ces activités avales par le processing et l'achat d'une raffinerie veille de 70 ans pour une valeur déclarée de 700 millions de dollars, chèque visé par la banque d'Algérie mais la rumeur circule qu'elle aurait coûté plus que le double. En effet, on parle de 2,2 milliards de dollars dont 1,5 milliards financé par les filiales dans les iles vierges britanniques en infraction avec la loi du crédit et de la monnaie algérienne. Plus grave, cette raffinerie, devenue un gouffre financier pour le pays, ne traite pas le pétrole algérien mais celui saoudien qu'elle achète au prix du marché. Le trésor public est en train de payer très cher ces décisions inopportunes et risquées. Tout cela ne peut en aucun cas être contrôlé Pourquoi ? Depuis son installation en mars 2017, il n'envoie plus de rapports mensuels aux organes statutaires et reçoit ses instructions directement de la présidence. Même le premier ministre n'arrive plus à l'encadrer. En effet, une vidéo circulait sur internet, succinctement commentée sur le site e-bourse d'Algérie, montrant Ould Kaddour, parler des augmentations 20% des salaires de Sonatrach et non de l'ensemble du groupe dont il a la charge. (02). Selon ses propres déclarations, cette annonce « a crée une révolution » au point où le chef du gouvernement l'aurait appelé pour lui dire « on sait que vous avez de l'argent mais n'en parlez pas, parce que vous allez nous créer des problèmes avec les autres institutions » Ces déclarations, devenues publiques, montrent une carence dans le système de communication et de gestion à ce niveau de la hiérarchie et que d'autres forces occultes contrôlent Sonatrach. Sur le plan technique. Plus grave, est sa sortie provocatrice qui a divulgué en toute impunité des propos qui avaient choqué les citoyens, surtout en ces périodes difficiles d'une dégradation du pouvoir d'achat et les conflits qui en découlent.

Il faut dire qu'à chaque occasion, ce responsable se gargarise des recettes engrangées par la vente du pétrole et du gaz mais évoque très peu ses mauvaises performances dans la production, du volume des exportations en baisse continue, et des pertes de marchés, ainsi que les coûts de production qui sont très importants, spécialement pour le cas de l'Algérie par le biais de Sonatrach, pourquoi ? Parce qu'elle importe tout. De la simple garniture d'une tête d'injection dite Wash pipe qui peut immobiliser un appareil de forage, en passant par le petit tube d'une colle Backer Lock pour l'étanchéité des filetages au produits chimiques, turbines, compresseurs jusqu'aux usines clé en main. Aujourd'hui même pour faire manger son personnel elle fait appel au catering étranger. Ce sont les entreprises étrangères qui prennent la grosse part.

On peut citer entre autres : Schlumberger, Haliburton, Weatherford et bien d'autres pour la recherche, diagraphie, la cimentation, l'interprétation, l'instrumentation, la sécurité aux puits, les éruptions etc. Toutes ces interventions sont faites en dollars qui amincissent le flux d'entrée et influent sur le prix de vente qui échappe complètement à la société car il reste l'œuvre du marché Les coûts avancés s'appuient dans certains forums de pacotille sur des transparents qui datent des années soixante dix. Le coût de production se situait autour de 5à7 dollars le baril. Le prix actuel du baril, comme ceux qui ont été pratiqués dans le passé lors des chocs pétroliers de 1973 et 1979, repose principalement sur un déséquilibre de volume. D'abord l'embargo pétrolier qui n'est autre qu'un gel des volumes en 1973 suivi un peu plus tard par la révolution iranienne en 1979 ensuite la guerre Iran-Irak de 1980 ont conduit aussi à une contraction de l'offre par une baisse des volumes. Le premier événement à quadrupler les prix qui sont passés de 3 dollars le baril à plus de 12 dollars le baril. Le retrait de l'Iran et de l'Irak de la production de l'OPEP devait conduire à un triplement de ce prix pour passer de 12 dollars le baril à 36 dollars le baril. Il faut préciser qu'à chaque fois que le prix du baril grimpe, les fournisseurs de Sonatrach le répercutent sur ses achats de l'étranger. Même si les prix des années 2000 avant la crise économique mondiale ont atteint voire dépasser les 150 dollars le baril, la pièce de rechange aussi a augmenté avec la même ampleur. On peut prendre à titre d'exemple de 1966 à 2019 le prix d'une voiture importée a augmenté de plus de 25 fois. Le salaire minimum de la moyenne européenne plus de 45 fois sur la même période. Avancer des coûts aussi bas c'est soit les méconnaitre soit pour tromper les citoyens sur des réalités qu'on ne veut pas qu'ils les sachent et surtout priver ces 54000 agents de Sonatrach qui n'ont aucune responsabilité dans sa gestion.

à suivre

*Consultant, économiste pétrolier

Les thèmes qui seront abordés dans la deuxième partie

2- Aujourd'hui, Sonatrach risque encore une fois d'être déviée de son métier de base.

3- Projet 4000 MW : un mélange d'essai et échecs, alors ....préservons Sonatrach

4- Le choix donc de l'accompagnateur dans ce projet est primordial

Renvois :

(01)-https://www.youtube.com/watch?v=cxBffupZlZU&feature=share

(02)-http://bourse-dz.com/sonatrach-ouyahia-a-demande-la-discretion-sur-les-salaires-video/fbclid=IwAR1CNCyjRIShLC8yrdP6qF

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