Serait-ce
par égard aux appels insistants des puissances étrangères et des organisations
internationales de s'intégrer dans des opérations militaires antiterroristes et
de promotion de la paix ou pour faire face aux risques de débordement des
conflits violents aux frontières orientales et méridionales, avec ce qui se
passe en Libye et au Mali, que l'Algérie a introduit une nouvelle disposition
dans le projet d'amendement de la Constitution qui permettrait à l'armée de
participer à des missions à l'extérieur ? Pour l'une ou l'autre raison, les
deux à la fois, peut-être, les autorités algériennes affichent désormais leur
volonté de jouer pleinement leur rôle de
puissance militaire régionale en levant ce verrou
constitutionnel qui cantonnait l'armée à l'intérieur des frontières du pays. Ce
qui ne semble pas toujours plaire à l'étranger. Car, si le changement majeur du
dogme militaire proposé par le projet d'amendement de la Constitution, soit la
possibilité pour l'armée d'agir en dehors des frontières du pays, suscite à
peine la surprise de l'opinion interne, la nouvelle tendance sécuritaire,
tournée à l'offensive, a satisfait les attentes de certains pays et a fait
naître crainte et inquiétude parmi d'autres, notamment chez le voisin de
l'Ouest. Sur le plan intérieur, le débat autour de la mouture du projet
d'amendement de la Constitution est focalisé sur les libertés individuelle et
collective, l'indépendance de la justice, la création du poste de
vice-président et autres formes du régime (présidentiel, semi-présidentiel ou
parlementaire), alors que sur le plan international, c'est le changement de ce
serment qui a toujours collé à l'armée algérienne, la cloîtrant à l'intérieur
des frontières du pays, qui fait disserter les experts en géopolitique. Notons
que selon les nouveaux amendements, le président algérien peut consulter le
Parlement avant d'autoriser l'armée à participer à des missions en dehors des
frontières du pays, dans le cadre des missions de lutte antiterroriste, de
maintien de la paix avec un mandat de l'ONU, de l'Union africaine, de la Ligue
arabe ou encore si un Etat voisin en fait la demande à l'Etat algérien dans le
cadre d'accords bilatéraux. C'est vrai que ce changement radical peut paraître
brutal, mais il est dans la logique de l'évolution des rapports entre la
géographie et la politique dans les relations entre les Etats. L'exemple
édifiant reste la Libye voisine où les armées de plusieurs pays, parfois venues
de loin, se trouvent engagées sur le terrain militaire. On peut même dire que
le pays continuerait à être marginalisé sur le plan diplomatique, perdre
d'énormes avantages sur les plans sécuritaires et de nombreux pays amis si
pareil changement n'est pas envisagé. Le dernier mot concernant ce changement
revient aux Algériens, mais vu de l'extérieur, il y a ceux qui convoitent le
soutien de l'armée algérienne, étant donné sa position de puissance militaire
régionale, et il y a ceux qui appréhendent cette nouvelle donne en se sentant
directement menacés. Comme le Maroc qui commence à alerter l'opinion
internationale par le biais de ses ?experts-analystes' sur « une agression à ne
pas écarter » de l'Algérie contre le Royaume chérifien. Pourtant, l'armée de ce
pays voisin est (ou s'est) engagée militairement à l'étranger dans des
opérations onusiennes de maintien de la paix en République démocratique du
Congo (RDC), en République centrafricaine (RCA), ainsi qu'au sein des pays de
la coalition au Yémen. Permis pour eux, interdit pour les autres?
Et il ne faut pas exclure que d'autres pays en viennent également à soupeser le
changement de cette vieille conviction militaire, dont les parties en conflit
en Libye et au Mali notamment, ainsi que les pays étrangers engagés
militairement sur le sol de ces deux Etats, qui partagent de longues frontières
avec l'Algérie. On est bien obligé de s'inquiéter, car un engagement militaire
de l'Algérie contribuerait à changer totalement le rapport des forces sur le
terrain.