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Rien n'arrête la harga !

par Abdelkrim Zerzouri

Est-ce la reprise de bon pied de la harga après une trêve imposée par la propagation du Covid-19 à travers le continent européen ? Cela en a tout l'air si l'on se fie aux informations qui circulent et qui font état de préparatifs de plusieurs groupes pour tenter de rejoindre la rive nord de la Méditerranée dans le sillage des bateaux partis, déjà, depuis quelques jours. La mise en échec d'une tentative d'émigration clandestine de 17 personnes à partir de la plage de Ténès (Chlef) par des éléments de la brigade mobile de la police judiciaire est fort édifiante à ce sujet.

Les 17 personnes en question, âgés entre 17 à 40 ans, qui se préparaient à quitter «illégalement» le territoire national par la mer et qui ont été arrêtées et présentées sous le grief de «trafic de migrants et tentative de sortie du territoire national d'une manière clandestine», ne représentent que la partie visible de l'iceberg. Car, de nombreux autres harraga passent entre les mailles des filets des services de sécurité et des gardes-côtes et parviennent à se lancer dans l'aventure en haute mer. Savent-ils au moins ce qui les attend sur les côtes espagnoles ou italiennes, les deux pays qui attirent le plus les harraga algériens qui empruntent la voie maritime pour réaliser leur rêve extrême ? S'ils sont pris à leur arrivée sur les côtes des pays de la rive sud de la Méditerranée, ou en mer, les harraga vont vivre l'enfer, seront dans des structures d'accueil aux portes de l'Europe, qui connaissent en ces temps de pandémie du nouveau coronavirus une crise aux proportions tragiques.

Il est vraiment impensable de risquer la harga dans un contexte d'urgence Covid-19 qui règne en Europe où les frontières sont hermétiquement closes devant les sujets européens, eux-mêmes. Mais, rien ne semble dissuader les candidats à tenter ce voyage à haut risque. Des raisons qui les poussent vers cet horizon sombre, qui leur paraît plus clément que leur quotidien sur le sol natal, il en existe à faire des dissertations sociopolitiques. La harga fait miroiter le rêve d'une vie meilleure, souvent brisée par les vagues ou la dure réalité de la vie dans des centres d'accueil inhumains. Bien sûr, il faut faire la différentiation entre l'émigration collective où des milliers de personnes tentent de passer les frontières pour obtenir un statut de réfugié et l'émigration clandestine par petits groupes qui pénètrent sur le sol européen et se fondent dans la nature, avec l'espoir de régulariser leur situation par des voies autres que le statut de réfugié, le mariage par exemple, un cas de figure qui s'applique aux harraga algériens.

Un autre facteur provoqué par ces temps de confinement attire l'émigration clandestine, à savoir la grave pénurie d'ouvriers agricoles saisonniers qui sévit dans de nombreux pays européens. Un manque de main-d'œuvre qui fait planer le risque de pourrissement des récoltes sur pied et qui pousse les gouvernements de plusieurs pays, dont l'Espagne, l'Italie et l'Autriche, à fermer les yeux sur le recrutement de milliers de clandestins dans les exploitations agricoles. Ainsi que le secteur de la Santé, également ouvert au recrutement des professionnels, à cause de la pandémie du Covid-19 qui a provoqué une forte pression dans les hôpitaux. Les candidats à la harga s'accrochent à cette brise temporaire favorable à leur installation en Europe.