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«L'Algérien
sait construire l'histoire, mais ne sait pas l'écrire». «Depuis 50 ans, on n'a
pas pu former une «école» algérienne de l'Histoire». C'est ce qu'a déclaré, un
jour, un de nos ministres de la Culture. Il a ajouté, aussi,
qu'il ne fallait «pas découper en tranches l'Histoire du pays», se référant
certainement au «favoritisme» pratiqué par certains chercheurs universitaires
et autres péri-, para- et pseudo-chercheurs, durant des décennies, chacun
favorisant (et pire encore voulant imposer) des périodes et des «angles
d'attaque» bien précis : Période arabo-musulmane, période guerre de Libération
nationale, novembriste, socialiste, arabiste,
berbériste, islamiste, aujourd'hui novembria-badissia
( ?!), occultant ainsi tout ce qui a fait la richesse profonde du pays, de son
Histoire millénaire, multiple et diverse mais Une, et de son peuple. Ce
qui a d'ailleurs engendré bien des incompréhensions, des monopoles
dommageables, des rancœurs et même des conflits. Et, surtout, un paysage ouvert
à «tous vents» et aux multiples «trous noirs». De quoi donner le tournis ou des
angoisses au meilleur de nos chercheurs, surtout nos jeunes, qui se retrouvent
face à des idées sinon fausses du moins incomplètes de notre Histoire.
Ajoutez-y la rareté ou la large disponibilité d'archives nationales. Même
celles présentes en Algérie ? en dehors des souvenirs et mémoires des «Anciens»
publiés librement ou grâce aux centres de recherches ? ne sont pas faciles
d'accès, nous dit-on. D'ailleurs, il n'y a qu'à voir le bâtiment des Archives
nationales (Les Vergers), une sorte de «blockhaus», qui est si austère qu'on en
perd, à son approche, ses moyens et qu'on n'ose y entrer. Comme si les soucis
des chercheurs «qui cherchent» étaient étrangers à ceux qui gèrent, «confinés»
dans leur «béton». Problème d'hommes ? Problèmes de statut ? Problèmes de
moyens ? Ou, alors, simple problème de gouvernance politique de la vie
intellectuelle ? On a la nette impression ? à travers ce qu'on lit et ce qu'on
entend ? que deux seules idées trottent dans la tête de la (désormais)
vénérable institution : 1/ La lutte contre les «laïcs» (sic !) qui écrivent mal
(re-sic !) et, en quelque sorte, la «révisent»,
l'Histoire. Et 2/ la récupération des archives se trouvant à l'étranger,
mettant au second plan la collecte, l'organisation, l'exploitation et la large
mise à disposition, aussi rapide que possible, des publics, les archives se
trouvant en Algérie. Pensez-donc, en près de six décennies, on en est encore à
«espérer» en une France conciliante qui, elle-même, n'est pas encore arrivée à
se réconcilier avec sa propre histoire coloniale et à «faire taire» les
«restes» de la droite pied-noir et de ses paras et
autres harkis retraités ou grabataires. On voit même une certaine droite
(nouvelle en ce sens que ses militants n'ont pas vécu la guerre d'Algérie.
Peut-être leurs parents ! Ressassant seulement des souvenirs récoltés ça et là, à l'image de Meynard et
de Zemmour) récupérer le thème et en faire un fonds de commerce utile à ses
divagations souverainistes, islamophobes et racistes, allant jusqu'à faire peur
et immobiliser les idées de la droite opportuniste. Et, à gauche, seul Mélanchon ose monter au front et dire ce qu'il pense des
bourreaux de l'Algérie. Il serait peut-être temps de penser à cette phrase de
feu Redha Malek : «Nous ne demandons pas que la
France s'excuse : nous avons combattu et gagné. Nous ne sommes pas frustrés»
«L'empreinte des jours». Essai © Casbah Editions, 2013). Attention ! Il parlait
d'excuse ? car le goût de la Victoire doit rester éternel- et non de
reconnaissance, ce qui est tout à fait différent. Car, il faut continuer à
exiger la reconnaissance des crimes et à formuler les demandes pour récupérer
l'essentiel de notre mémoire. A la Turquie. A la France. A tous ceux qui nous
ont envahi et/ou occupé, peu ou longtemps. Mais, il faut surtout s'atteler à la
tâche et produire, produire. Ici et maintenant. Dans la liberté, d'abord et
avant tout. C'est pour cela que le projet de création (une idée ancienne !)
d'une chaîne de télévision publique consacrée à la seule histoire est une bonne
idée. Il faut seulement qu'elle-même veuille et sache bien accueillir les
chercheurs et s'ouvre aux travaux ! A tous les travaux. Et, que l'on ne
s'enferme pas dans une seule «école», ce qui nous ramènerait, petit à petit, au
point de départ, celui de l'unanimisme stérilisateur. Au contraire, il faut
encourager et laisser fleurir mille et une «écoles», d'abord et avant tout au
sein de l'Université et de la Recherche scientifique. Ensuite, éloigner le plus
possible, dans les textes comme dans la pratique quotidienne, les
Administrations, de toute «veille» et de contrôle idéologique, sauf quand il
s'agit de «commandes» spécifiques liées, en général, à des moments particuliers
de la vie du pays : célébrations, commémorations.
Tout ceci est d'ailleurs valable pour le film historique ? bien malmené jusqu'ici - où la fiction et le rêve ont leur grande place. Quant aux mécénats et aux soutiens financiers et matériels, sans contrepartie politique ou partisane ou entrepreneuriale, ils sont les bienvenus. Dieu le leur rendra ! Le lecteur les remerciera ! Le spectateur les applaudira ! Et, Clio, la muse de l'Histoire (que l'on dit perfide) retiendra. Quoi de mieux ? |
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