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Projet de révision de la Constitution: De grands chantiers en perspective

par Ghania Oukazi

En se focalisant sur «comment limiter le pouvoir présidentiel », une question qu'elle laisse ouverte au libre choix du chef de l'Etat de céder ou pas certaines de ses prérogatives, la commission chargée de réviser la Constitution a choisi d'opter dans sa mouture pour un régime semi-présidentiel et la création d'une vice-présidence.

Lorsqu'elle fait état d'«une séparation et une organisation des pouvoirs rationalisée et équilibrée», et d'un «réaménagement de l'Exécutif», la commission de Ahmed Laraba souligne dans son document que l'attention de ses membres a porté sur «l'institution d'un chef du gouvernement avec un programme propre, la suppression du pouvoir reconnu au président de la République de légiférer par voie d'ordonnance, la répartition du pouvoir de nomination entre le président de la République et le chef du gouvernement ainsi que la suppression du tiers présidentiel de la composition du Conseil de la nation». Leur examen de ces questions les a poussés à «écarter d'emblée «l'hypothèse d'un régime parlementaire» pour opter d'une manière consensuelle pour, disent-ils, «un régime semi-présidentiel qui consisterait à maintenir le schéma actuel dans le but d'assurer l'unité ainsi que la cohésion de l'Exécutif, de rationaliser son travail, d'émanciper le président de la République des charges de la gestion gouvernementale et surtout sauvegarder la légitimité qu'il tient de son élection au suffrage universel». Cependant, la commission indique qu'en «tenant compte de l'éventualité des évolutions que pourrait connaître le contexte politique», elle a laissé «la faculté au président de la République de charger le chef du gouvernement d'élaborer son propre programme après consultation de la majorité parlementaire». C'est tout en sous-entendant laisser le choix au président de la République de décider d'un allégement de certaines de ses prérogatives que le projet comporte comme autre proposition «l'institution d'une vice-présidence de la République de nature à apporter au président de la République un appui dans l'accomplissement de ses missions chaque fois qu'il l'estimerait nécessaire».

Un vice-président en cas d'empêchement

Il est noté que «le vice-président peut assurer les charges de l'intérim en cas d'empêchement. En cas de vacance, la possibilité qu'il puisse assurer la continuité du mandat du président de la République a été envisagée. L'idée est de garantir la continuité dans le fonctionnement des institutions». Une proposition de révision des rapports entre l'Exécutif et le législatif retient le principe d'«élargir les attributions du Parlement en matière de production législative» et «contenir au maximum l'étendue du pouvoir règlementaire que détient le président de la République». Le Parlement se verrait en outre renforcé par ses pouvoirs de contrôle de l'action gouvernementale et ce, en ayant aussi «le droit d'interpeller le gouvernement sur l'état d'application des lois». Toujours au titre du contrôle de l'exercice de l'Exécutif, la commission Laraba propose, entre autres, «la possibilité d'accorder à l'opposition parlementaire de présider par alternance les commissions juridique et des finances avec la majorité parlementaire». Les experts ont estimé que «l'existence du Conseil de la nation demeurait nécessaire au renforcement de la représentation, à l'équilibre institutionnel et à la pérennité de l'Etat». Ils ont alors jugé «opportun de réserver la représentation au sein du tiers présidentiel aux seules compétences nationales dans les différents domaines de la vie sociale, économique et culturelle (...), sans appartenance partisane». Dans le chapitre «indépendance de la justice», ils ont convenu de substituer à la notion de «pouvoir judiciaire» celle de «justice», en raison, écrivent-ils, «de la connotation symbolique qu'elle recouvre». L'indépendance du juge oblige, selon eux, « à faire interdiction aux différentes institutions publiques de prendre des mesures de nature à porter atteinte à cette indépendance ou toute entrave à l'exécution des décisions de justice. Cette interdiction a été assortie de sanctions que la loi doit prévoir, de même que l'obligation d'indépendance a été mise à la charge du juge».

Besoin d'une nouvelle réorganisation territoriale

D'autre part, la transformation du Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle, comme proposé par les experts, impliquen entre autres changements, que «de manière plus générale, la législation ne doit pas contenir des dispositions de nature à favoriser la corruption, comme par exemple l'excès de conditions juridiques fondées sur le régime et l'autorisation préalable, tout en évoquant le rôle dévolu à la Cour des comptes en sa qualité d'institution de contrôle». Pour la rédaction de cet article, la commission Laraba a dû fortement s'inspirer des fâcheux événements judiciaires enregistrés depuis l'année dernière et au sujet desquels les accusés politiques ont affirmé qu'ils n'ont fait qu'appliquer la loi. La proposition vise ainsi une formulation de lois loin du «sur mesure» que les gouvernants ont toujours privilégié pour gérer les affaires de l'Etat selon leur convenance personnelle. Une autre question épineuse sur laquelle a planché la commission, «les principes de décentralisation et de déconcentration». Principes que les décideurs n'ont jamais réussi à consacrer comme mode de gouvernance locale et ce, en raison de l'absence d'une volonté politique adepte de la transparence dans la gestion des affaires de l'Etat et des collectivités locales. Ce qui a obligé les experts à ce que ces principes en question soient énoncés «de manière explicite dans la Constitution». Ils ont soutenu leur vision à cet effet par «le besoin de repenser l'organisation administrative du pays et les collectivités territoriales». D'autant que toutes les Constitutions du pays consacrent comme seules entités locales la commune et la wilaya. La daïra n'a jamais été citée en tant que telle encore moins la circonscription administrative ou la wilaya déléguée qui ont été créées par des textes de loi mais ne sont pas constitutionnalisées. Les experts proposent dans un autre chapitre « la suppression de la disposition limitant l'accès des binationaux à certaines fonctions au sein des institutions publiques ». Disposition qui, depuis sa consécration dans la Constitution de 2016, a été fortement décriée par la communauté algérienne à l'étranger.