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Ni accointance ni flatterie

par Abdelkrim Zerzouri

Dans sa dernière intervention, lors de la rencontre avec les responsables de la presse, jeudi dernier, le président Tebboune a évoqué le statut prépondérant qui échoit à la société civile dans le nouvel échiquier sociopolitique qui se met en place. Le message est adressée à une société civile, longtemps décousue sous une gouvernance qui, exception faite de quelques rares associations qui ont pu sauvegarder leur autonomie et leur dignité, ne faisait place qu'aux représentants qui excellaient dans l'art de la « chitta ». Elle est appelée, maintenant, à «reprendre les choses en main» pour insuffler le dynamisme au sein de la société. Devrait-on entendre par là qu'une reconfiguration de cet ensemble d'hommes et de femmes, engagés dans des activités non lucratives et non commerciales, est en route ? C'est indispensable, puisqu'on ne peut faire du nouveau avec les vieilles mentalités.

Le président Tebboune a signifié dans ce sens qu'il était pour «la création d'un grand nombre d'associations civiles qui couvriront plusieurs objets d'activité dans la santé, les mouvements estudiantins et les porteurs de projets, et qui œuvreront dans l'intérêt général et bénéficieront de subventions». Et qui dit « création » d'associations civiles, dit nouvelle reconfiguration de ce bloc avec des pouvoirs élargis en tant que force de proposition sérieusement écoutée et puissant outil de contrôle de la gouvernance elle-même. Soit une société civile à construire loin de tout abus, qu'il s'agisse d'accointance avec le pouvoir en place, ou que le pouvoir, lui-même, se mette à courtiser ou flatter cette société civile «forte».

Mais, il faudrait bien comprendre que la nouvelle configuration du mouvement associatif, qui abolit le culte de la personnalité et plaide clairement en faveur de la nécessité pour «la société civile de reprendre son droit dans la gestion», ne peut puiser sa sève de l'ancienne définition qui tire son existence de sa parfaite platitude avec ce que pense le maître des lieux. Idem pour les partis politiques, pervertis pour la plupart par un système construit sur l'obéissance.

Taclés par le président Tebboune, qui se réfère exclusivement à la société civile dans sa victoire à l'élection présidentielle, les partis politiques sont condamnés à se restructurer, en s'ouvrant à leur base et aller au changement de dirigeants longtemps inamovibles, pour prétendre jouer pleinement leur rôle dans la nouvelle Algérie.

L'agenda politique très chargé, avec des élections législatives et locales anticipées, qui doit déboucher sur des institutions fortes avant la fin de l'année, comme le promet le président, peut prendre de vitesse les partis politiques, et autant les candidats indépendants de la société civile, qui n'auront pas encore compris que l'avenir, très proche, exige un rapide redéploiement des forces et la mise en place urgente d'une nouvelle stratégie au service exclusif du pays. Le temps des quotas étant révolu, les partis politiques risquent tout simplement d'aller vers la débâcle, dont certains ne se relèveront plus, face aux candidats de la société civile naissante, lors de ces prochains rendez-vous électoraux.