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Confinement partiel à Oran: entre soumission et insouciance

par Sofiane M.

Le confinement partiel est vécu par de nombreux Oranais comme un mal nécessaire pour contenir la propagation du coronavirus. Cette mesure décidée par le gouvernement sur recommandation des autorités sanitaires n'est toutefois pas respectée par tout le monde à Oran et ses périphéries.

Si certains se soumettent scrupuleusement au confinement à domicile, d'autres, par contre, et essentiellement les jeunes, continuent de faire la sourde oreille en ignorant toutes les restrictions.

Il est 19 h 00 c'est le début du couvre-feu nocturne imposé depuis trois jours à Oran et dans huit autres wilayas. Les piétons pressent le pas pour rejoindre leurs domiciles. Les voitures filent à vive allure pour éviter les contrôles de police. L'empressement des automobilistes est justifié par les mesures coercitives appliquées les deux premiers jours par les policiers qui n'hésitent plus à procéder au retrait des permis de conduire. Les rues se vident au centre-ville et dans les quartiers résidentiels, que ce soit à Akid Lotfi, à Maraval ou à Haï Sabah. Une heure après le début du couvre-feu, les rues de la ville sont quasi-désertes. Les voitures de police multiplient les patrouilles pour faire respecter le couvre-feu. Les sirènes retentissent régulièrement pour disperser des groupes de jeunes qui se réunissent dans les coins de rues. Dans certains quartiers populaires et au centre-ville, les policiers et les jeunes se livrent à un vrai jeu du chat et de la souris. Des renforts sont souvent appelés à la rescousse pour contraindre ces jeunes insouciants à regagner leurs domiciles. Ils sont nombreux, les jeunes, qui se sentent non concernés par ce couvre-feu, et croient que le coronavirus ne touche que les séniors ou les malades chroniques. Une fausse croyance qui pourrait nuire non seulement à la société, mais également à ces jeunes inconscients. Certes le Covid-19 tue particulièrement les personnes d'un certain âge, mais les jeunes aussi sont en danger et risquent de souffrir de complications graves ou de contaminer un proche parent. Toutefois le plus inquiétant aujourd'hui est que le confinement partiel n'est aucunement respecté dans les localités périphériques, à l'exemple de Sidi El Bachir ou Coca, et dans les quartiers populaires de la ville. Les habitants de ces zones, le plus souvent démunies, semblent ignorer entièrement les mesures de distanciation sociale et les gestes simples de protection. La scène est presque anodine dans le marché populaire d'El Hamri : une dizaine de citoyens se bousculent devant les étals des marchands et des bouchers qui proposent des prix attrayants. Dans ce marché populaire, ni les vendeurs ni les acheteurs ne portent de bavettes ou de gants de protection. Sur les étals des bouchers clandestins, la viande crue blanche ou rouge est manipulée à mains nues sans aucune protection. Les acheteurs se côtoient devant les étalages ou se frôlent dans le passage exigu de moins d'un mètre de largeur entre les étals. Au milieu de ce marché, une dizaine de personnes s'attroupe autour d'un gargotier clandestin qui vend toute sorte d'aliments cuisinés à domicile sans respect des moindres règles d'hygiène. Il y a bien sûr la maâkouda (croquettes de pomme de terre), les saucissons rouges et/ou blancs, la viande hachée, etc. La propagation du coronavirus en Algérie ne semble pas changer les habitudes dans les quartiers populaires. Les gens de ces quartiers déshérités défient tous les jours le simple bon sens. Non seulement ils ne font rien pour se protéger contre le coronavirus, mais plus grave ils se permettent de transgresser toutes les restrictions sanitaires et notamment celle de distanciation sociale. Des attroupements de personnes sont visibles dans tous les recoins. Les gens se coudoient, se serrent les mains et certains s'offrent des accolades. Les attroupements de jeunes et parfois de vieux durent des heures et se poursuivent jusqu'à une heure tardive. Manque d'espace à l'intérieur des domiciles, nécessité de travailler pour ceux qui exercent dans l'informel ou chez le privé, fatalisme... les justificatifs invoqués par les récalcitrants au confinement partiel sont nombreux. « Les gens ici dans les quartiers populaires n'ont pas peur du corona, mais ils ont peur de perdre leurs petits boulots à cause de ce maudit confinement », résume cet habitué du marché d'El Hamri.