Des rues et des places publiques quasiment désertes,
une circulation automobile réduite à sa plus simple expression. Du côté du
marché couvert des légumes et fruits, les étals sont ouverts, devant l'absence
ou presque des clients. Tébessa s'est réveillée encore une fois sur ce décor de
désolation et d'incertitude. La vie semble évoluer au ralenti, les gens
accélèrent le pas pour expédier au plus vite les quelques tâches qui les ont
fait sortir dehors avant de retourner chez eux. Triste mine que dégage la place
de la Victoire, dans l'ancienne ville qui, il y a quelques jours grouillait de
monde. Les transports en commun ont disparu de la vue, les taxis assurent les
dessertes, avec moins de passagers, consignes strictes obligent. Les
restrictions préventives s'installent dans la durée, les citoyens, contraints
qu'ils sont, commencent petit à petit à prendre goût à ce rythme de vie imposé
par des circonstances sanitaires hors normes. Les masques et gants de
protection, une curiosité au début, deviennent des accessoires acceptés par
plusieurs usagers. Et puis l'instinct de survie reprend le dessus, sur la peur,
les inquiétudes souvent justifiées font toujours le quotidien des gens, en
dépit de toutes les explications, que ce cauchemar d'une pandémie mondiale sera
vaincu un jour. Les hésitations des premiers instants de l'annonce du déferlant
coronavirus se dissipent peu à peu, il est temps de s'organiser et de revoir
certaines pratiques et comportements, relatifs au mode d'hygiène, aux normes
des relations sociales et humaines. Tébessa se recroqueville, en attendant des
jours meilleurs, mais ne cède pas à la panique. Tout devient normal, lorsqu'on
ne se touche pas la main, ou qu'on se tienne à distance les uns des autres.
L'on redécouvre des vertus de bienséance, on ne se bouscule plus chez le
boulanger ou l'épicier du coin. On se salue gentiment, on demande des nouvelles
des autres, en cette époque de grand doute, en un mot la civilité prend le
dessus, sur nos rudesses et notre égoïsme. Notre pensée ira aux habitants des
zones déjà soumises à l'isolement, les douars et mechtas, où il est difficile
de vivre, en temps normal ; comment font-ils face à
ce mal moyenâgeux ? Eux, qui par le passé éprouvaient des peines pour pouvoir
accéder aux soins parce que l'hôpital se trouvait à des dizaines de kilomètres
de leur domicile ou que l'unité de santé ne disposait pas de toubib et
d'infirmier. Eux, qui pour se faire alimenter en eau potable devaient patienter
à cause d'un projet d'AEP, en veilleuse, faute de financement ou d'entreprise
de réalisation. Pour la chercher cette eau, il fallait parcourir des kilomètres
à dos d'âne, ou s'approvisionner en citerne. Eux aussi, ont le droit d'être
protégés de la maladie de coronavirus qui, par sa propagation vertigineuse, n'a
pas de frontières et ne fait pas de distinction entre la couleur de la peau, ni
de la religion ; le riche et le pauvre se trouvent embarqués dans la même
galère de la mort. Tant bien que mal, l'on s'habitue à se confiner chez soi,
même si cela pèse sur certains d'entre nous, plutôt grands randonneurs et
admirateurs de l'air libre. Comment sera demain ? Et quelle fin
accorderons-nous à ce scénario cauchemardesque ? Toute cette histoire, de
Covid-19, agent infectieux, microscopique, ultra filtrable, le virus peut
altérer et modifier les programmes et fonctions intracellulaires à son profit,
afin d'assurer sa survie. Il sera un jour raconté dans un manuel scolaire, pour
dire que l'humanité a frôlé le pire et a vécu l'horreur, parce que le
coronavirus est venu perturber sa sérénité, les fondements de l'humanité.
Enfin, rendons hommage aux personnels médicaux et paramédicaux, hommes et
femmes, qui à travers leur persévérance professionnelle, de devoir accompli et
leur abnégation ont pu affronter la pandémie au risque de leur vie.