Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Rigidité économique

par Abdelkrim Zerzouri

La relance de l'industrie automobile en Algérie n'est pas pour demain. Bloquée depuis l'éclatement des scandales qui ont éclaboussé les principaux opérateurs dans le domaine, la voiture « made in Algeria » s'éloigne plus encore des Algériens avec le nouveau cahier des charges relatif à l'industrie automobile, qui devrait voir le jour avant la fin avril 2020. Un cahier des charges avec des conditions strictes, visant la protection de l'intérêt économique du pays, mais qui aura de fâcheuses conséquences sur cette activité. Il sera exigé de l'investisseur un taux d'intégration initial de 30% ainsi qu'un apport initial en capital égal ou supérieur à 30% de l'investissement, comme l'a souligné le ministre de l'Industrie et des Mines, Ferhat Aït Ali Braham. Est-ce trop demander à l'investisseur ? Peut-être que ce taux d'intégration est assez élevé pour un départ, difficile à concrétiser dans un délai relativement court, mais c'est du domaine du réalisable, à moyen et long terme, de toute évidence. Les autorités, qui savent pertinemment que ce taux d'intégration constituera un boulet difficile à traîner, font comme si on se donne du temps pour digérer, déjà, le plat fort saucé qu'on a sur la table. Aussi, la nouvelle stratégie industrielle, ainsi que les rapports économiques avec les étrangers, qui se mettent en place, laissent croire que les autorités agissent avec à l'esprit que le pays est fort convoité par les investisseurs étrangers. Ce qui est faux, bien sûr, puisque l'Algérie, pour diverses raisons, notamment ses récentes difficultés politiques et l'instabilité de son arsenal législatif, n'est pas une destination très conseillée aux investisseurs et aux hommes d'affaires étrangers.

A la question « où investir en Afrique en 2020 ? », la banque sud-africaine Rand Merchant Bank (RMB) place en tête l'Égypte et le Maroc à la deuxième position devant l'Afrique du Sud dans le classement général des dix pays les plus attrayants pour investir en Afrique en 2020 (l'Égypte, le Maroc, l'Afrique du Sud, le Kenya, le Rwanda, le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Nigeria, l'Éthiopie et la Tunisie). A trop serrer les vannes, ne risque-t-on pas l'isolement dans un contexte mondial très favorable à l'ouverture économique ? Certes, les intérêts du pays doivent être préservés en matière de relations économiques avec les opérateurs étrangers et locaux, mais il faut également faire preuve de plus de souplesse et éviter de durcir la législation, qui ne pourrait avoir qu'un effet de sclérose prolongé sur le plan des investissements étrangers. En exigeant des investisseurs dans l'industrie automobile un taux d'intégration de 30 %, qui ne peut être atteint que si on construit la carrosserie localement, et ce, avant même l'entame du projet, c'est tirer un trait sur le rêve de la voiture « made in Algeria ». On passe, ainsi, du stade de « l'arnaque » en vogue dans cette filière à la restriction pure et simple dans l'acquisition d'un véhicule pour le citoyen. Et ce n'est pas cette autorisation d'importation des véhicules de moins de 3 ans qui viendrait pallier cette grave disette qui va frapper le marché de l'automobile.

Car, le prix de ces véhicules, qui sera indexé sur le taux de change des devises sur le marché noir, en plus du paiement de droits de douanes allant à 30% et d'une TVA à 19%, sera inabordable pour le citoyen moyen. Il y aura toujours le montage des véhicules, qui pourrait continuer son bonhomme de chemin, mais sans aucun avantage fiscal, prévient le gouvernement, et on s'attendrait, donc, là également, à une flambée des prix des voitures produites localement. A ce train, la voiture sera bientôt un luxe inaccessible pour la majorité des Algériens.