«Même les
médecins et les fonctionnaires chez l'Etat prennent le large à bord des
embarcations de la mort ; l'Europe est un enfer», a décoché de but en blanc,
dans un arabe dialectal accessible à tous, le président Tebboune
à une réponse sur le phénomène plus que préoccupant de la harga
en Algérie. Pour le nouveau timonier du pays, il s'agit d'un «désir de suicide
incompréhensible» et qu'il existe au moins trente raisons à ce phénomène,
excluant d'un revers de la main la pauvreté ou la mal-vie qui seraient à
l'origine de cette ruée vers la mort. Le Président, au plus grand étonnement de
tous, a même suggéré l'idée d'envoyer des groupes de jeunes pour de courts
séjours à l'étranger afin qu'ils «prennent conscience par eux-mêmes de l'enfer
en Europe, et que leur place est en Algérie et pas ailleurs». On a eu
l'illusion, un moment, que le phénomène, à plusieurs facettes, de la harga avait reculé dans le sillage du «Hirak»
populaire dans ses premiers mois, mais le retour à la réalité choquante, avec
ces boat people qui cèdent à l'appel du large, a vite fait de revenir au-devant
de l'actualité nationale. Mais une dimension de ce qu'il convient d'appeler le
«drame national» de la harga est occultée, celle des
passeurs, qui font dans la traite des êtres humains. Véritables réseaux
organisés de criminels, ces vendeurs de rêve engrangent des sommes colossales,
pour offrir une mort à la carte, au beau milieu de cette prodigalité aqueuse et
mangeuse d'hommes qu'est devenue la Grande bleue. «Ici s'arrête la vie» avaient
tagué des jeunes d'un village dans la proche banlieue de Tiaret, avant de
prendre le large. Treize jeunes périront noyés dans une sorte de suicide
collectif, avec cette envie irrépressible chez une jeunesse en perte de ses
repères : «pour une vie meilleure mais ailleurs» !!