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Crise libyenne: Berlin, et après ?

par Ghania Oukazi

Les Nations Unies ont convaincu les participants à la conférence internationale pour la paix en Libye de la nécessité de la mise en place d'un comité chargé de suivre l'état de mise en œuvre des décisions qu'ils ont prises dimanche. Deux autres commissions seront créées pour évaluer les situations économiques et militaires dans le pays.

Ces nouvelles structures figuraient dans le plan que l'envoyé spécial des Nations Unies pour la Libye a présenté à Berlin. Devant être en principe composé par des représentants des pays qui ont participé à la conférence pour la paix en Libye, le comité suivra sous l'égide de l'ONU toutes les démarches et actions susceptibles de consolider le cessez-le-feu et d'amorcer un dialogue inclusif en faveur d'un consensus autour d'une solution politique à la crise libyenne. C'est la chancelière allemande qui a fait dimanche soir l'annonce d'un accord conclu dans ce sens. «Nous avons parlé aujourd'hui d'une seule voix concernant les priorités dans ce dossier», a-t-elle affirmé lors de la conférence de presse qu'elle a animée à Berlin à la fin de la rencontre internationale de haut niveau que le siège de chancellerie allemande a abritée dimanche dernier.

Outre l'Algérie et les secrétaires généraux de l'ONU et de la Ligue arabe, la conférence de Berlin a vu la participation des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis d'Amérique, Russie, Chine, Grande-Bretagne et France) ainsi que la Turquie, l'Italie, l'Egypte, les Emirats arabes unis, la République du Congo (président du Comité de haut niveau de l'Union africaine sur la Libye). Angela Merkel a précisé en outre que «nous, les parties prenantes à cette conférence, nous estimons être près, plus que jamais, d'une solution en Libye». Les hôtes de la chancelière allemande semblent s'être entendus sur la nécessité de faire taire les armes et d'œuvrer pour une solution politique inter-libyenne. «Il s'agit d'une démarche à même de consolider la trêve et le cessez-le-feu entre les forces du Gouvernement d'union nationale (GNA) et celles du maréchal Khalifa Haftar», a-t-elle déclaré. Merkel a noté que le comité devrait entamer son travail à compter du 1er février prochain. En réponse à une question sur la non participation directe à la conférence des deux belligérants libyens, Fayez El-Sarraj et Khalifa Haftar, alors qu'ils se trouvaient à Berlin, la chancelière allemande a expliqué que «tant de désaccords entre les deux figures ont empêché leur participation à cette conférence, mais ils étaient à Berlin pour suivre de près le déroulement de la rencontre».

Un désastre régional programmé

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a pour sa part réitéré la nécessité pour toutes les parties en conflit en Libye de respecter les résolutions onusiennes liées au désarmement et au retour au processus politique. Il a aussi annoncé l'adoption par la conférence de Berlin de trois principaux processus, le premier «dont les contours seront fixés dans deux ou trois semaines» est économique et concerne plusieurs institutions économiques et financières libyennes, entre autres la Banque centrale et les compagnies pétrolières. Le deuxième permettra «dans les jours à venir» de procéder à la mise en place d'une commission militaire composée de membres des deux parties, le GNA et les forces de Haftar. Conformément à l'accord de cessez-le-feu qui a été paraphé la semaine dernière à Moscou par El-Sarraj et pas par Haftar, le SG de l'ONU a rappelé la nécessité d'un engagement pour la protection des civils et le respect du droit international humanitaire.

Mis à part la décision de mettre en place un comité de suivi des commissions économiques et militaires pour faire le point régulièrement sur les développements de la situation en Libye, la conférence internationale de haut niveau qui s'est tenue dimanche à Berlin n'a rien apporté de nouveau pour le règlement du conflit libyen dont les développements menacent de déstabiliser toute la région maghrébine. Les participants sont revenus plusieurs années en arrière pour soutenir la position initiale de l'Algérie par laquelle elle a toujours dénoncé les ingérences étrangères et appelé à un dialogue inter-libyen pour un règlement politique à la crise. Position qui d'ailleurs a été encore rappelée à la conférence par le président Abdelmadjid Tebboune qui était arrivé samedi soir à Berlin et revenu dimanche soir à Alger.

Depuis que les forces atlantistes avaient déclaré «protéger les civils» qu'elles disaient «menacés» par l'armée du leader de la Jamahiriya, le colonel Maamar Kadhafi, la Libye a été précipitée dans une crise sans précédent. L'OTAN avait procédé en 2011 à des raids aériens «ciblés» sur la Libye. Près de dix ans après, le pays se retrouve avec des milliers de morts en majorité des civils, tout autant de blessés et de populations déplacées. Malgré la décision de l'ONU de lui imposer un embargo sur les armes, la Libye compte aujourd'hui des millions d'armes de tout gabarit et grouille de militaires et de services de renseignements de plusieurs pays étrangers. Les bombardements de l'OTAN ont été le prélude à un désastre régional programmé par des puissances mondiales dont les velléités empestent le néocolonialisme et le sionisme.