Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Tiaret : Mohamed-Amine Lahmar, le héros de Tiguentourine

par El-Houari Dilmi

Mahdia, dimanche 12 janvier, il est 11h. Sous une pluie fine et un froid glacial, nous arrivons au domicile de la famille de Med-Amine Lahmar, celui que l'on appelle ici le «héros de Tiguentourine», disparu il y a 7 ans, jour pour jour, le 16 janvier 2013.

Barbe fournie, le visage illuminé par un sourire d'enfant, El-Hadj Saâd, octogénaire à la santé fragile, nous accueille au pas de sa porte. Son épouse El-Hadja Azza puis son frère aîné Houari nous rejoignent dans le salon. Une dizaine de portraits et autres attestations d'honneur, en hommage au héros, tapissent les murs du salon. La voix nouée, El-Hadj Saâd accepte de nous parler de son fils, ravivant un souvenir douloureux enfoui dans le plus profond de son âme. «Mon fils avait un petit commerce où il vendait des ustensiles de cuisine; il ne gagnait pas beaucoup d'argent mais il était heureux», raconte-t-il en nous regardant droit dans les yeux. « Un jour, en juillet 2009, un ami lui a parlé d'une offre de recrutement dans le grand sud du pays; il n'a consulté personne et le lendemain, il est parti juste en nous embrassant sur le front sa mère et moi ». Installé au niveau de la base-vie relevant du site gazier stratégique de Tiguentourine, Med-Amine gagnait bien sa vie avant de se marier durant l'été 2011. « Tout allait pour le meilleur des mondes jusqu'à ce jour fatidique du 16 janvier 2013 où le ciel s'écroulait sur nos têtes », raconte, les yeux embués de larmes, Houari, son frère aîné. En ce mercredi 16 janvier, Med-Amine Lahmar, agent de sécurité de 26 ans, originaire de Tiaret, va réussir, au péril de sa vie, à verrouiller le portail et à actionner l'alarme alertant d'une attaque armée contre le complexe gazier de Tiguentourine. L'alerte donnée par le brave agent de sécurité permettra de mettre rapidement l'ensemble des installations en dépression. Un véritable désastre venait d'être évité à toute l'Algérie. Med-Amine Lahmar le payera de sa vie, abattu d'une balle dans la tête. Une autre partie du personnel, sous la menace des armes du groupe terroriste, refusera de réarmer le complexe pour ne pas donner l'occasion au groupe des assaillants d'en faire une méga bombe, avant l'intervention des forces spéciales de l'armée algérienne qui réussiront à repousser toute menace en un temps record. La mère, El-Hadja Azza, traînant plusieurs maladies depuis quelques années déjà, se souvient de ces cortèges de responsables qui ont envahi sa maison au lendemain de la disparition du fruit de ses entrailles. «Sellal m'a même demandé de préparer le couscous et qu'il allait revenir quelques jours plus tard; il n'est jamais revenu», soupire-t-elle. Son époux, El-Hadj Saâd, reprend la parole pour nous parler de l'intervention du défunt Gaïd Salah pour faire hospitaliser la maman de Med-Amine Lahmar. « Je n'oublierai jamais son geste Allah yerhmou, de même que Mme Saïda Benhabylès du Croissant-Rrouge », nous confie-t-il.

Le sacrifice suprême

Grande fierté de toute la ville de l'ex-Burdeau, Mohamed-Amine Lahmar, agent de sécurité sur le site gazier BP-Sonatrach de Tiguentourine, s'est sacrifié pour protéger les travailleurs, attaqués par un groupe terroriste, le 16 janvier 2013. Mais si la base-vie du complexe gazier de Tiguentourine à In Amenas porte son nom, sa famille réclame une réhabilitation de sa mémoire, plus que tout autre considération matérielle. A part une maigre pension répartie entre ses parents et sa veuve, la famille ne perçoit rien de plus. « Depuis sa mort, on nous a promis de juger ceux qui l'ont tué; à part une première convocation parvenue du tribunal de Sidi M'hamed d'Alger, on n'a plus jamais rien reçu depuis plus de 6 ans », raconte son frère aîné Houari, qui accepte de nous accompagner au cimetière où repose Med-Amine. Au milieu d'une vingtaine de tombes, celle du héros de Tiguentourine ressemble à celles de tous les morts. Rien ne la distingue des autres sépultures dans un cimetière propre et bien entretenu. Décoré à titre posthume de la médaille de l'Ordre du mérite national sur décision de l'ex-président Bouteflika pour son geste héroïque, Med-Amine Lahmar mérite la reconnaissance de la Nation pour rester vivant dans le cœur de tous les Algériens, et son sacrifice suprême jamais oublié. Il était dit que l'Algérie devait, aussi, son salut à des anonymes, comme l'enfant de Mahdia qui s'est sacrifié pour protéger l'Algérie contre un véritable désastre. Mort pour la patrie.