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De 8 à 15 ans pour les autres accusés: 20 ans de prison requis contre Ouyahia, Sellal et Bouchouareb

par M. Aziza

Le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed a requis hier vingt ans de prison ferme contre les deux ex-Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, poursuivis dans le dossier de corruption relatif au montage de véhicules et le financement «occulte» de la campagne électorale du président déchu.

La même peine (20 ans de prison ferme) a été demandée à l'encontre d'Abdeslam Bouchaouareb, ancien ministre de l'Industrie, actuellement en fuite. Le procureur général a affirmé qu'un mandat d'arrêt international a été émis contre lui.

Le procureur de la République a requis, par ailleurs, 15 ans de prison ferme et une amende d'un million DA contre les deux anciens ministres de l'Industrie, Youcef Yousfi et Mahdjoub Bedda, une peine de 10 ans de prison ferme et une amende de 1 million DA contre l'ancienne wali de Boumerdès, Yamina Zarhouni, et 10 ans de prison ferme assortis d'une amende d'un million DA contre l'ancien ministre des Travaux publics et des transports, Abdelghani Zaalane.

Le représentant du ministère public a requis en outre une peine de 10 ans de prison ferme assortie d'une amende de trois millions DA à l'encontre de Ali Haddad, Ferrat Ahmed et Hadj Malek Saïd ainsi qu'une peine de 10 ans de prison ferme assortie d'une amende d'un million DA à l'encontre des hommes d'affaires Mohamed Baïri, Maazouz Mohamed, Achour Abboud, Hassan Laarbaoui et Nemroud Abdelkader.

Une peine de huit (8) ans de prison ferme assortie d'une amende de trois millions DA a été requise à l'encontre de Farès Sellal, fils d'Abdelmalek Sellal, Senaï Karim et Senaï Sofiane.

Par ailleurs, le procureur de la République a requis une peine de huit (8) ans de prison ferme assortie d'une amende d'un million DA à l'encontre de fonctionnaires au ministère de l'Industrie et des Mines. Il s'agit de Boudjemea Karim, Agadir Omar, Tira Amine, Alouane Mohamed, Abdekrim Mustapha et Mekraoui Hassiba.

Le procureur de la République a requis également «la saisie de tous les biens et fonds illégaux» des accusés, tout en «leur interdisant d'exercer leurs droits civiques».

Au cours de son réquisitoire, le procureur de la république s'est arrêté sur toutes les pratiques outrancières adoptées par les ex-dirigeants du pays qui se sont servis et qui ont été servis par certains hommes d'affaires proches de l'Etat.

Tout en les accusant de népotisme, de détournement de l'argent et des biens publics, le procureur a affirmé qu'Ahmed Ouyahia avait octroyé illégalement une autorisation de construction automobile illégale, à Ahmed Mazouz. Il a également affirmé que la femme et le fils d'Ahmed Ouyahia comptent plusieurs entreprises et des comptes bancaires. Et ce, tout en accusant l'ex-Premier ministre d'avoir transférer à partir d'un compte qui n'est pas déclaré une somme de 30 milliards de centimes au profit de sa femme et son fils. Le procureur général accuse Ouyahia de «blanchiment d'argent, sinon comment expliquer des dépôts et des transferts d'argent, à partir d'un compte non déclaré ?».

Il affirmera qu'Ahmed Ouyahia avait donné des instructions en 2017 à l'ancien ministre de l'Industrie, Abdeslam Bouchaouareb de ne délivrer aucun agrément ou autorisation aux opérateurs dans le secteur automobile, ce qui prouve que «la liste de 5+5 avait été déjà préétablie».

Le procureur général a également accusé Abdelmalek Sellal d'avoir octroyé une terre agricole située à Boumerdès à Ahmed Bairi, avec la complicité de l'ancienne wali de Boumerdès, Nouria Zerhouni, elle aussi parmi les accusés dans cette affaire. En ce qui concerne la désignation du fils de Sellal à la tête du groupe Maazouz, le procureur général a affirmé qu'il a été placé à la direction de cette entreprise parce qu'il est le fils d'un haut responsable de l'Etat, car il n'a déposé aucun apport financier dans l'entreprise qui lui donne la qualité d'associé.

On ne finance pas une campagne électorale avec des «sacs d'argent» sans déclaration

En ce qui concerne le financement «occulte» de la campagne électorale du 5ème mandat d'Abdelaziz Bouteflika, le procureur a rappelé qu'Abdelmalek Sellal était chargé de la campagne électorale. En précisant qu'il avait demandé trois fois à Ahmed Maazouz de financer la campagne, ce qui a poussé ce dernier à déposer 39 milliards de centimes, Bellat a déposé, lui, un milliard de centimes, Moussa Benhamadi a déposé pour sa part plus de 5 milliards de centimes. Le procureur a affirmé qu'Abdelmalek Sellal est accusé de violation des dispositions de l'article 196 de la loi électorale qui régit le financement de la campagne électorale, notamment avec l'ouverture de deux comptes bancaires pour la collecte de l'argent sans déclaration. Le procureur général précise «on ne finance pas une campagne électorale en cachette avec des sacs d'argent, on finance une campagne électorale avec la location des salles pour des meetings, l'achat du matériel avec des bons et à travers un financement bancaire déclaré».

Mahdjoub Beda, ses comptes bancaires, entreprises et villa non déclarés

En dépit de son bref passage au ministère de l'Industrie et des Mines, l'ex-ministre Mahdjoub Bedda a, grâce à sa fonction, octroyé des avantages à Mourad Eulmi, Mahiédine Tahkout et Hassen Laarbaoui, causant une perte de 800 milliards de centimes au Trésor public, selon le procureur général.

Le procureur a énuméré les biens de Mahdjoub Bedda, mais seulement ceux qui ne sont pas déclarés «quatre comptes bancaires non déclarés, un terrain à El Mouradia et deux entreprise (SARL) non déclarés».

Youcef Yousfi est accusé d'avoir bloqué les dossiers d'investissements dans le secteur automobile, des projets d'Omar Rebrab, d'Aichaibou et Amin-Auto. Et en donnant en parallèle des privilèges à Ahmed Maazzouz. Comme il avait signé des décisions d'exonération pour un montant 29 millions de DA rien que pour Hassen Arbaoui.

L'ex-ministre de l'Industrie, Abdeslam Bouchaouareb, cité à plusieurs reprises lors de ce procès, a accordé 7.700 milliards de centimes sous forme d'avantages en causant un préjudice de 1.500 milliards de centimes au Trésor public. Il a également affirmé qu'Abdeslam Bouchaouareb a acquis illégalement énormément de biens grâce aux pots-de-vin.

La défense entre le boycott et des plaidoiries pour innocenter les accusés

Sur les 80 avocats qui devaient en principe défendre les accusés dans cette affaire, seuls 7 ont fait entendre leur voix, le reste a boycotté le procès «en l'absence de conditions permettant le bon déroulement d'un procès équitable», disent-ils.

L'avocat Laifa Ouyahia, le frère d'Ahmed Ouyahia a plaidé l'innocence de son frère en affirmant qu'il n'est pas dupe pour faire du blanchiment d'argent à travers une banque publique. Et d'affirmer «mon frère a servi toute sa vie l'Etat et ne doit pas être traité de cette manière», en ajoutant en outre que «ces affaires sont des affaires purement financières et commerciales, donc elles sont du ressort du civil, et pas du pénal».

A noter qu'Abdelmalek Sellal a été pris d'un malaise au moment où son avocat allait entamer sa plaidoirie, notamment après l'annonce du réquisitoire. L'avocat de Mohamed Biari a plaidé l'innocence de son client.

Les avocats qui ont boycotté le procès ont affirmé que le bâtonnat devrait sanctionner ceux qui ont assuré la plaidoirie. «On s'est tous entendus pour boycotter le procès vu les conditions, mais certains nous ont laissés tomber à mi-chemin», nous dira maître Amer Zaidi.