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La justice du «téléphone» prise à partie en ce 36ème vendredi du Hirak

par Kharroubi Habib

Ce vendredi, le 36ème de la contestation populaire, les slogans les plus scandés et repris par les marcheurs sont ceux appelant à la libération des détenus d'opinion et dénonçant la justice du « téléphone » qui les a ordonnées. Ce qui n'est pas pour étonner après la marche de protestation organisée par les avocats contre la vague d'arrestations qui cible des activistes notoires du mouvement populaire qu'ils dénoncent avoir été ordonnées par une justice aux « ordres ».

Entre les magistrats et l'opinion publique, l'éphémère réconciliation à laquelle ont donné lieu le spectaculaire soutien que les premiers ont manifesté au Hirak, la nomination de Belkacem Zeghmati à la tête de leur ministère et la vaste opération « mains propres » diligentée sous sa conduite, n'a pas résisté à l'avalanche d'arrestations de figures de proue du mouvement populaire. Cette rupture, les hirakistes l'expriment avec vigueur au constat qui est pour eux que la justice du pays est loin d'avoir procédé à son « aggiornamento » et à la reconquête de son indépendance face à un pouvoir politique qui continue à lui dicter ses décision et à l'instrumentaliser contre ses opposants.

C'est pourtant pour convaincre que cette justice dont il dirige désormais le département ministériel est sur la voie de cette pleine mutation revendiquée pour elle par le Hirak et l'ensemble du peuple algérien que Belkacem Zeghmati a procédé en son sein au plus vaste mouvement qu'elle a eu à connaître depuis l'indépendance. Lequel mouvement n'a pas évité pourtant à la magistrature d'être ce vendredi la cible la plus décriée par les manifestants. Ces derniers considèrent en effet que Zeghmati ou pas à la tête de la justice ainsi que le limogeage de magistrats réputés pour avoir été les hommes de main du régime et de l'ex-ministre Tayeb Louh, désormais pensionnaire de la prison d'El Harrach, n'ont pas libéré cette justice de l'injonction politique qu'elle reçoit téléphoniquement ou par d'autres biais.

S'il devient difficile aux activistes du Hirak d'entretenir la mobilisation populaire par les mots d'ordre politiques anti-élection présidentielle, l'opération intimidation menée contre eux sous le couvert judiciaire, mais avec des griefs qui relèvent de l'atteinte à la liberté d'expression, leur fournit de quoi la doper. Plus que toute autre revendication populaire, celle de la libération des détenus du Hirak est celle qui cimente les rangs du mouvement populaire et sur laquelle il ne peut faire marche arrière car elle a pour enjeu la fin de l'arbitraire sous lequel vit le peuple algérien depuis l'indépendance du pays et dont sa justice en a été l'instrument constant. Ce vendredi en ayant pris en point de mire la justice et ses magistrats, le mouvement populaire a en somme sommé ces derniers à se déterminer entre le pouvoir qui les soumet à exercer la justice du « téléphone » et la vox populi qui exige la fin de celle-ci.