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LE NECESSAIRE EFFACEMENT

par Abdou BENABBOU

De quel droit devrions-nous nous targuer de parler au nom des millions de jeunes et moins jeunes qui ignorent jusqu'à notre existence ? Celui d'avoir été des marionnettes naïves dans un passé récent, aussi fortement bercés que nous étions par la conviction de détenir toutes les vérités que l'on nous a prêtées par ceux qui avaient un droit de vie et de mort sur tout le monde ? Ou alors nous nourrissant d'un opportunisme qui nous permettait une valorisation personnelle mais aléatoire parce que nous nous sommes dit que les qualificatifs de personnalité ou de société civile nous appartenaient ?

La génération desdites élites de la nuit passée, et pour une grande partie d'entre elles, jouant hier encore de l'éventail des eunuques, a tout l'air de rechercher désespérément une virginité politique qu'elle n'a jamais eue avec un élan partagé entre le besoin de revanche et une demande de reconnaissance perdue. Libre à chacun de s'agripper à ses rêves. Mais un colossal gène nous tient à la gorge quand on observe de piètres troubadours et de mauvais saltimbanques s'arroger le droit de parler au nom de tout un peuple alors que nous savons d'où ils viennent et où ils veulent aller. Nous connaissons aussi l'origine de la lumière qui enlumine leurs articulations pour qu'ils soient au-devant de la scène tenaillés par leurs égos.

La liberté de donner son avis et d'étaler sa vérité est le droit de chacune et de chacun. Mais cette liberté n'admet aucune forme de procuration chapardée à la légère et refuse la dictature du verbe et du mot.

A la vérité, le seul droit qui nous soit offert, nous tous qui avons participé au naufrage du pays, chacun à différents degrés, est celui de faire pénitence face aux générations qui nous succéderont. Il n'est pas sûr cependant qu'elles s'en contentent. Car comme vient de le prouver la jeunesse tunisienne avec une magistrale manière, elles ont déjà programmé notre effacement.