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Candidat, militant ou figurant ?

par El Yazid Dib

Se porter candidat a été toujours un acte libre et volontaire.

Pour les uns, s'il n'était pas mature et trituré soit bien organisé et calculé depuis les dernières élections, il pourrait être une réaction d'ultime désir, une tentative spontanée. L'envie d'y être est accrocheuse à plus d'un titre. Puisque, se dit-on, l'on ne fait rien que l'on aille faire quelque chose. La mesquinerie aura à atteindre son paroxysme lorsque la fourberie et l'imposture deviendront des vertus à arborer à chaque début d'échéance électorale. Même cette présidentielle, quoique complexe, n'a pas échappé à désengourdir davantage l'audace des uns et des autres. L'on aura encore tout vu, du Rambo, du mousquetaire au détenteur de la bague de Salomon. Le moins idéal candidat est censé provenir de la matrice du militant. Cette personne qui n'a cure que de son engagement par conviction ou idéologie à un programme, à une feuille de route politique sans égard à ce qu'il adviendra de sa pauvre petite personne. Chez lui, celle-ci se devait de s'effacer totalement par-devant la solennité du message qu'elle semble transporter. Le candidat ne reste que ce chercheur de siège, ce chasseur de position et le militant que ce combattant sans solde ni rétribution. C'est dire que le poste de président d'une république si noble, si héroïque n'est pas un jeu puéril ou une humeur de moment ni même une envie d'une femme enceinte. C'est du consistant.

Les partis et les partillons ainsi que les personnages confectionnés indépendamment vont aussi avoir le moment de jubilation. Chez ces «organisations» là, l'on recrute à l'heure près. La transhumance politique d'un bord à l'autre tellement devenue un sport facile qu'elle ne résiste plus à des chartes d'adhésion ou à des critères endogènes de capitalisation de militantisme. On n'y vient pas pour de l'action politique pérenne et continue. On vient pour être candidat.

Nous allons voir circuler à nos yeux des hommes, des anciens et des nouveaux. Cette armada de personnes avait bel et bien manifesté l'expresse volonté de se présenter aux élections. C'est-à-dire ce sont elles qui aspirent à devenir des présidents. Elles ont toutes pris la peine d'aller chercher un extrait de naissance, se photographier, s'octroyer un casier judiciaire et un certificat de nationalité, de facsimiler leur diplômes, leurs carrières, leurs profils et parapher leurs engagements.

Soit un dossier superbement complet qui ressemble à l'excès à celui d'une embauche ou d'une demande d'emploi. Personne ne les a contraints à le faire. Pour les uns, habitués aux concours de circonstances et invétérés à de telles formalités, il ne suffisait que d'aller tirer de leurs archives les documents exigés, pour les autres c'est une envie irrésistible d'essayer de faire le rien à perdre. Tenter et attendre. Et c'est ainsi que se confectionne administrativement l'embryon d'un futur homme appelé sournoisement homme politique.

A défaut de consensus, ce qui est d'une évidence naturelle ou de parrainage déclaré, les pour et contre sauront remplir les annales actuelles. La grogne, la vindicte, la rébellion, le cri à l'outrage, l'appel à la désobéissance partisane, les tentatives de redressement, les grosses déceptions apparaîtront après ce minuit fatidique du dépôt de dossiers. Au même moment, la réassurance, l'extase, les éloges, le réengagement, la ferveur, les embrassades, la naissance des promesses feront aussi des leurs.

Dès le lendemain du de l'arrêt tranchant qui est ou non candidat, le jubilé est ouvert. L'évasion ou l'éclipse pour les non retenus va se joindre au ressentiment de rejet, à la satire et la résignation tout court. Pour les autres, heureux pré-élus, l'opération des grands charmes, les techniques de séduction, l'affichage éternel du sourire vont renouer les pâles cravates et les costumes neufs ou repassés que l'on arborera déjà comme uniformes de victoire. Ils s'attèleront dans l'immédiat toute affaire cessante à se placer dans le cœur de la société. Dans chaque individu, dans chaque passant, citoyen, marchand, voisin, ils n'y verront qu'une voix, qu'un électeur. Ils découvriront un nouveau langage bienséant et loquace, flexible et prometteur, facile et tolérant. Le diable en personne ne pourra qu'en être persuadé.

Enfin, il ne s'agit pas d'un concours de quartier, d'une mince partie de foot de cité. C'est une autre écriture de l'histoire nationale, c'est un aller engagé vers un nouvel horizon. Soyons sérieux, les gars !