La France entière a rendu hier un hommage fort et sincère à l'ancien président Jacques Chirac décédé jeudi dernier. Les Algériens comme l'ensemble du monde arabe se sont pliés de bonne grâce aux plus beaux des souvenirs d'un grand homme d'Etat, presque tentés d'absoudre les mauvais détails du parcours d'un homme qui en renouant avec la sagesse a rattrapé la plénitude de son humanisme.

Il est vrai que le jeune sous-lieutenant Chirac avait fait sienne l'Algérie française et peut-être qu'il faudrait admettre que les flexions ou les torsions qu'imposent les conjonctures historiques ont parfois raison de la rigidité de la nature humaine. Pourtant le président Chirac, une fois bourré d'une expérience colossale sur la vie et sur les hommes, a estomaqué plus d'un en faisant sienne une vision du monde d'une noblesse inouïe inimaginable en son temps. Il a reconnu la responsabilité de l'Etat français dans la déportation des juifs et il s'est opposé seul au roulant compresseur américain qui tenait mordicus à embraser le Moyen-Orient. L'Histoire lui a donné totalement raison et la reconnaissance qui lui est due par les vraies consciences est restée entière et vivace. Chassant tout esprit de rancune et s'élevant au niveau d'une noblesse d'âme particulière, le peuple algérien lui a fait le plus beau des cadeaux en lui offrant à Alger et à Oran un accueil grandiose digne de son humanisme retrouvé.

Cet humanisme et la force d'anticipation dans la vision sur le devenir des hommes qu'il avait nourris auraient dû être propices pour renforcer son combat au bénéfice du dialogue des peuples et des cultures. L'homme d'Etat qu'il était aurait pu être un des catalyseurs, pourfendeurs des crispations et des mauvaises humeurs, pour écrire une nouvelle page d'Histoire entre les peuples algérien et français. Ce pas contrarié, oublié ou délaissé à cause d'une pudeur forcée ou de multiples vents contraires aurait sans aucun doute participé à faire du bassin méditerranéen une zone de paix et de prospérité.