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Conseil des ministres: La présidentielle, Bedoui et des interrogations

par Ghania Oukazi

Si le discours-bilan du 1er ministre pourrait augurer de son départ avant la tenue des élections présidentielles, les instructions du chef de l'Etat au gouvernement laisseraient croire qu'il serait maintenu jusqu'à l'élection d'un nouveau président de la République.

«Depuis sa nomination le 31 mars 2019, le gouvernement a tenu 21 réunions de gouvernement, 29 réunions interministérielles et 1 réunion du Conseil des participations de l'Etat, lors desquelles il a examiné et approuvé 2 avant-projets de loi relatifs à l'amendement du code de procédure pénale et au règlement budgétaire de l'exercice 2017, ainsi que 48 décrets exécutifs, et 31 projets de marchés de gré à gré au profit des différents services de l'Etat», a souligné Nouredine Bedoui lors du 1er Conseil des ministres tenu lundi dernier sous la présidence de Abdelkader Bensalah. Comme s'il était en fin de mission, le 1er ministre a présenté le bilan de son gouvernement six mois après sa nomination par le président déchu Abdelaziz Bouteflika. Cette dernière référence a fait de Bedoui depuis avril dernier à ce jour l'homme à abattre «dans les plus brefs délais».

L'exigence de le faire partir est clairement consignée dans le rapport général de l'instance de médiation et de dialogue. Elle l'est au titre «des mesures d'urgence à prendre avant les élections présidentielles» réclamées par les 23 partis politiques et les 5.670 représentants d'associations, d'organisations socioprofessionnelles, du mouvement populaire et personnalités nationales «entendus» par le panel. Le discours-bilan du 1er ministre est une première dans un Conseil des ministres tenu que pour entériner les deux projets de lois organiques, l'un de création de l'autorité indépendante d'organisation des élections et le second amendant la loi électorale codifiant la tenue du scrutin. Il n'est pas de tradition que le 1er ministre présente le bilan complet de son gouvernement devant le chef de l'Etat après quelques mois de sa nomination. D'autant que Bensalah l'a reçu auparavant par plus de trois fois pour qu'il lui rende compte de ses activités et de celles de l'ensemble des ministres.

Un Conseil des ministres d'urgence, d'hommages et d'éloges

Abdelkader Bensalah a conforté ce bilan en saluant «les efforts dévoués du 1er ministre et de son gouvernement(...) favorablement accueillis par de larges pans de notre peuple car ayant permis aux pouvoirs publics de remporter le pari de la pérennité de l'Etat, conduit à la réunion des conditions de dépasser toutes les étapes cruciales dans la vie de notre société et permis, aussi, la prise en charge des préoccupations quotidiennes de nos citoyens dans un climat de sérénité et de stabilité». Gaïd Salah l'appuie dans ce sens en affirmant qu' «il est certain que toutes ces réalisations que le gouvernement a pu concrétiser dans ces circonstances difficiles, voire parfois défavorables et hostiles, sont de réels acquis que seul un ingrat peut nier».

Au-delà de sa tenue «dans l'urgence» pour que les deux projets de lois entrent en vigueur le plus tôt possible, le Conseil des ministres a été un moment «intense» d'échanges d'éloges et d'hommages entre le chef de l'Etat, le vice-ministre de la Défense et le 1er ministre et ce notamment au regard du discours testament de Bedoui et à un degré bien moindre de celui de Bensalah. «Le vice-ministre de la Défense nationale mérite, de notre part, reconnaissance et gratitude pour son rôle pionnier à la tête de l'institution militaire, un rôle qui demeurera ancré dans les mémoires, tout en saluant ses positions indéfectibles qui traduisent sa volonté d'améliorer la situation en Algérie pour la hisser aux plus hauts niveaux à la hauteur de son histoire et de ses hauts faits», a affirmé le 1er ministre à l'attention du chef d'état-major de l'ANP. Le chef de l'Etat a fait de même en faisant part de «sa considération au Haut Commandement de l'armée, à sa tête Gaïd Salah pour la clarté de ses engagements, son positionnement aux côtés de notre peuple en cette étape décisive de son histoire, et sa détermination à garantir le caractère pacifique des manifestations et à faire face, fermement et résolument, aux agissements attentatoires à notre intégrité territoriale et aux tentatives visant la sécurité et la cohésion nationales». Bensalah a lui-même commencé par esquisser son bilan en soutenant que»je me suis engagé, depuis la prise de mes fonctions à la tête de l'Etat, et dans des conditions connues de tous, à travailler conformément à la Constitution, privilégiant, par conviction, la voie du dialogue inclusif et constructif, avec toutes les forces et les acteurs de la société pour dépasser la situation actuelle».

Bensalah instruit Bedoui

Ceci étant, le communiqué du Conseil des ministres détourne de l'exigence du départ de Bedoui en soulignant que «le chef de l'Etat a instruit le gouvernement à l'effet de mettre à la disposition de cette nouvelle Autorité indépendante tous les moyens matériels et logistiques et de lui apporter toutes les formes de soutien, lui permettant l'organisation de la prochaine consultation électorale dans les meilleures conditions». Dans ce contexte, a encore dit le chef de l'Etat, «j'exhorte tous les responsables à poursuivre leurs actions, à redoubler d'efforts et à faire montre de la vigilance exigée lors de la prochaine étape, en vue de garantir le bon déroulement du processus électoral, qui permettra à notre pays de rétablir l'autorité de l'Etat et de conférer toute la légitimité nécessaire à ses institutions». A moins que Gaïd Salah qui tient tant au cadre constitutionnel se réfère pour cette fois à l'article 104 de la Constitution qui stipule que «le gouvernement en fonction au moment de l'empêchement, du décès ou de la démission du président de la République, ne peut être démis ou remanié jusqu'à l'entrée en fonction du nouveau président de la République».

Bensalah a par ailleurs indiqué que» (...) l'immense effort consenti par l'Instance nationale de dialogue et de médiation constitue, à mes yeux, une étape charnière dans le processus politique de notre pays à même de permettre à l'Algérie d'engager le processus électoral dans un climat national consensuel(...)». Il est probable qu'il procède ces jours-ci à l'installation de Karim Younes «pour assurer le lancement du processus de création de l'autorité indépendante». Dans son discours, il a bien fait référence à cet effet à «une personnalité nationale indépendante et consensuelle (qui) aura pour mission exclusive la mise en place de cette institution. Sa mission prendra fin dès l'achèvement du processus d'installation de l'Autorité». Younes a été le coordonateur du panel tout autant que ses membres «par voie consensuelle» et devrait en principe poursuivre ses rencontres avec tous ceux qui ont adhéré au dialogue qu'il a mené. Le chef de l'Etat a d'ailleurs «lancé un appel aux forces politiques, aux représentants de la société civile et aux personnalités nationales pour poursuivre le dialogue et les concertations, pour la mise en place de l'Autorité». Il considère que «cette mesure de première importance permettra l'organisation, dans les délais convenus, de l'élection présidentielle, seule à même de permettre au pays de sortir de l'instabilité politique et institutionnelle et de déjouer les dangers du vide institutionnel».

Des élections dans «les délais convenus»

Tout autant qu'avec les deux projets de lois organiques, «les pouvoirs publics, a-t-il dit encore, et l'ensemble des acteurs de la scène nationale devront se mobiliser pour organiser l'élection présidentielle dans les délais requis, avec comme priorité absolue l'installation sans délai de l'Autorité nationale indépendante des élections, dès l'adoption des projets de lois organiques, conformément aux procédures constitutionnelles en vigueur». De la «dernière phase de ce processus», à «la tenue des élections dans les délais requis», «dans les délais convenus», jusqu'à l'«étape charnière dans le processus politique qui permet d'engager le processus électoral», tout concorde avec la décision du chef d'état-major de l'ANP de faire convoquer le corps électoral le 15 septembre prochain. Pour lui, «la dernière phase de ce processus sensible, représentée par les élections présidentielles, est le fruit d'une vision éclairée et perspicace dont nous avons réussi, au sein de l'ANP, à en anticiper les événements avec clairvoyance et discernement». Gaïd Salah a affirmé notamment que «j'estime que la conjoncture est favorable à la conjugaison des efforts, en prélude au rendez-vous du peuple avec une échéance nationale décisive, qui lui permettra d'élire un président remplissant les critères de compétence et de légitimité, indispensables à la réalisation de ses aspirations au changement, à la satisfaction de ses revendications légitimes et à la concrétisation des réformes escomptées, qu'il n'a eu de cesse de revendiquer».