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S'ELOIGNER DE SOI

par Abdou BENABBOU

Plus de deux millions d'Algériens ont répondu cet été à l'appel du large pour se rendre à l'étranger. Le tourisme étant un livre ouvert sur la découverte et la connaissance, il est cependant douteux que nos voyageurs soient particulièrement intéressés par la trouvaille de sites et de trésors inconnus. Il est patent que la Tunisie par exemple, première destination de nos ressortissants, n'a pas de bien grands secrets touristiques à dénicher et plusieurs pans entiers de ce qu'elle dispose en la matière n'égalent en rien la richesse de l'Algérie. A première vue seulement, choyées, ses zones d'aisance et de repos ne sont que des carrés balnéaires en pâte à papier et indiquent en trompe-l'œil un superficiel visage du pays.

Il est inutile de s'appesantir encore sur l'absence d'une efficiente politique touristique algérienne bien que des efforts aient été entrepris par des entrepreneurs nationaux tenaces et téméraires. Il serait aussi vain de s'attarder sur le mal fondé d'une théorie rentière basée sur une richesse pétrolière qui aurait occulté toute politique de développement du tourisme. A bien des égards, la forte tendance du voyageur algérien à changer d'air pourrait s'assimiler à une forme de harga pour échapper un moment à un mal dans la peau et il est à se demander si notre touriste, sans le savoir, ne se résoudrait pas plutôt à s'éloigner de son soi et de lui-même. S'arrêter à la saleté des plages, à la cherté des tarifs exigés pour payer quelques jours de repos, au manque de civisme, à l'effarante mauvaise qualité des accueils et des services ne serait en définitive que les effets d'une acculturation muette et profonde et d'un mal-vivre.

Quand les espaces communs n'offrent que le non-respect de l'autre et portent atteinte aux libertés individuelles, ils développent aussi la haine de soi.

A la décharge de nos haraga semi-luxe, le phénomène ne leur est pas particulier tant il vrai que le mal-être se généralise. Nombreux de ceux étrangers qui se pavanent au bord des plages tunisiennes déjeunent sous le toit d'un palace avec une tomate, se contentent d'une banane pour dîner et récupèrent toujours le reste d'une bouteille d'eau minérale au petit déjeuner.