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Recentrage

par Mahdi Boukhalfa

Une nouvelle fois, l'armée investit l'arène politique et réitère ses «revendications», sinon son point de vue qui passe pour être celui que tout le monde doit suivre, concernant la sortie de crise politique actuelle. L'ANP a rappelé jeudi qu'elle reste pleinement engagée dans le processus de changement politique revendiqué par le peuple, qu'elle accompagne et que ce changement ne peut venir que des urnes, des élections présidentielles qu'elle soutient. Jusque-là, rien de nouveau dans le discours du chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, si ce n'est ce soutien franc et direct au panel chargé du dialogue national. Mais, dans l'ensemble, il réaffirme de nouveau que l'armée reste fermement attachée à ses prérogatives constitutionnelles, qu'elle reste une armée républicaine, qui soutient les « politiques » dans leurs efforts de sortie de crise.

Pour l'armée, le grand danger actuellement est que le pays tombe dans une sorte de vide constitutionnel et que dès lors les forces politiques en présence ne pourront plus contrôler une lente dérive du fonctionnement des institutions. Comme elle prévient que l'Algérie dans la phase actuelle de grandes incertitudes ne saurait être « un jouet entre les mains des aventuriers». Ahmed Gaïd Salah lance en fait un avertissement clair que si le pays est en danger, l'ANP est prête à entrer en action « face à quiconque tenterait de porter atteinte à sa stabilité, sa sécurité, sa réputation et sa renommée ». Un message on ne peut plus direct à tous ceux qui tenteraient de déstabiliser le pays ou qui veulent lui imprimer une autre dynamique politique que celle tracée par le chef de l'Etat actuel, c'est-à-dire des élections présidentielles.

Bien sûr, l'ANP soutient et conforte le gouvernement actuel, le chef de l'Etat Abdelkader Bensalah, et confirme qu'elle reste attachée à la légalité constitutionnelle et qu'elle ne veut ni de changements politiques brusques ni d'orientations ou d'exigences politiques partisanes qui viendraient à lui enlever son rôle, celui de gardienne de la sécurité et la stabilité du pays. L'ANP a ainsi confirmé qu'elle n'a aucune ambition politique autre que celle de défendre le pays et ses institutions et expliqué une fois encore qu'elle reste jalouse de ses prérogatives, la sécurité du pays et des citoyens, et surtout que les affaires de sécurité, dont les barrages et le dispositif sécuritaire autour d'Alger ne sont pas les prérogatives d'une entité autre que l'armée. Dans la foulée, il a recadré tout le monde en rappelant que les affaires de justice ne concernent que la justice.

Pour le reste, Ahmed Gaïd Salah a enveloppé de sa « baraka » le travail et la mission de l'instance de dialogue national et l'accompagnera jusqu'à la fin de son travail. C'est-à-dire l'organisation d'élections présidentielles, seule voie de sortie de crise pour l'ANP, pour qui il ne saurait y avoir d'autre feuille de route que celle-là. Une sorte de mise en garde contre tous ceux qui voudraient imposer une autre solution de sortie de crise, notamment ceux, dans le camp démocratique, qui veulent aller d'abord vers une période de transition, avec un nouvel exécutif, pour préparer dans les meilleures conditions politiques des élections présidentielles qui ne pourront se tenir qu'au moins dans six mois, alors que le pouvoir actuel pousse pour leur organisation dans les plus brefs délais. Deux positions ambivalentes, qui s'affrontent, difficilement conciliables.