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Coupable indifférence

par Mahdi Boukhalfa

Nos forêts brûlent dans l'indifférence générale. Une vraie catastrophe naturelle, environnementale qui est en train de dévorer, d'année en année, tout le couvert végétal du pays. A ce rythme, soit celui de 32.000 hectares par an, selon les propres déclarations du directeur général des forêts (DGF), on parlera dans les dix prochaines années des belles forêts de pinèdes, de cédraies, de châtaigneraies, de chênes zen qui avaient été irrémédiablement mangées par le feu. Le moment est grave, inquiétant car les milliers d'hectares de belles forêts qui partent en fumée chaque jour depuis le début de cet été 2019 ne semblent pas avoir provoqué une réaction salutaire au sein des autorités, ni même un plan ORSEC.

Rien, tout est fait pour que ces incendies de forêts passent inaperçus, comme un vulgaire fait divers qui n'est pas de nature à occuper le gouvernement. Le pays tout entier, à travers ses forêts, brûle et les jours prochains, avec l'installation de l'été, accompagné par une terrible canicule qui balaie le pays depuis plusieurs semaines, n'annoncent rien de bon. Bien au contraire, il y a encore tout le mois d'août à gérer, à surveiller le moindre départ de feu et, au-delà, à envisager les moyens traditionnels de lutte contre ces incendies qui chauffent à blanc le pays, rendant la vie impossible autant dans les grandes villes, qui suffoquent sous la chaleur, que les zones rurales, directement exposées au fléau du feu et ses conséquences. Le comble est que le gouvernement tarde à réagir pour mettre en place un véritable plan de bataille nationale contre les feux, ne serait-ce que facultativement, ou une réunion ministérielle pour montrer au moins qu'il n'est pas insensible au drame vécu autant par les riverains des forêts ravagées par le feu que par l'idée de la perte de milliers d'hectares de couvert végétal et tout autant d'animaux dont la disparition d'espèces endémiques aux massifs algériens.

La colère comme la tristesse devant cette situation déplorable de voir ces pinèdes ou ces cédraies mangées par le feu est par ailleurs ce terrible aveu du DGF selon lequel son département ne dispose pas des moyens matériels, notamment les véhicules anti-incendie, les effectifs humains et techniques pour lutter contre les incendies de forêts. Terrible constat que celui d'une direction des forêts dont les véhicules anti-incendie sont devenus obsolètes ou que ces tranchées pare-feux et ces pistes forestières, qui permettent d'atteindre rapidement les foyers d'incendies, ne sont plus entretenues. Faut-il dès lors faire le procès de l'incapacité de la direction concernée de parer, avec des moyens dérisoires, à la menace du feu ou celui des pouvoirs publics qui ne se sont pas donné les moyens ni les mécanismes pour lutter efficacement contre les incendies de forêts, au moment où le pays pouvait se payer la modernisation de tout le dispositif national de lutte contre les incendies de forêts ?

Le dénuement des services forestiers devant l'ampleur de la tâche donne une affreuse sensation que les pouvoirs publics, à commencer par le ministère de l'Agriculture, ne font pas de l'élimination des causes des incendies de forêts une priorité, encore moins une stratégie du secteur. On continuera dès lors à faire le macabre et triste bilan des forêts brûlées et des animaux calcinés chaque été. Jusqu'à quand ?