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Eviter les icebergs

par Mahdi Boukhalfa

La crise politique perdure et pour le moment aucun signe positif, encore moins encourageant n'est venu annoncer un prochain dénouement de la situation. Les marches et manifestations populaires, entrées la semaine dernière dans leur 22ème vendredi, pour un changement de gouvernance radical et dans les meilleurs délais semblent buter sur des obstacles imprévus, sinon liés justement à une très aléatoire gestion de la conjoncture politique actuelle. Une phase politique, un moment social et économique précaires qui interpellent autant les partis, la société civile que les autorités actuellement à la tête du pays pour dégager des voies de sortie et des passerelles de communication afin d'arriver à un consensus global de sortie de crise.

L'émiettement des revendications, associé à la multiplicité des groupements politiques se revendiquant de l'opposition, et la déprimante sensation que toute l'énergie du Hirak est en train d'être gaspillée dans d'inextricables impasses politiques ne peuvent donner des résultats probants et immédiats. D'autant qu'en face, du côté du pouvoir, peu de progrès dans la manœuvre, à savoir que la priorité reste toujours liée à l'organisation dans les plus brefs délais d'une élection présidentielle. Une démarche que ne veulent pas cautionner les partis de l'opposition, car elle ne ferait selon eux que légitimer la régénération du pouvoir actuel et, surtout, mettrait sous le boisseau la principale revendication du Hirak, celle d'un changement complet et radical de gouvernance et du personnel politique en haut des instances étatiques.

Un dialogue de sourds ? Pas aussi évident que cela, même si pour le moment l'Etat, à travers M. Bensalah, reste disposé à aller vers une présidentielle issue d'un large dialogue national, franc et sincère entre toutes les composantes sociales et politiques nationales. Et, surtout, la non-ingérence des autorités. C'est à un véritable bras de fer entre une partie de l'opposition et les autorités sur la manière de gérer cette période délicate de transition et, au-delà, d'organiser les futures élections présidentielles que les Algériens assistent, sans pour autant voir le bout du tunnel. Trop d'intérêts divergents empêchent pour le moment les différents acteurs politiques de discerner l'utile et le nécessaire dans la mise en place d'un vrai dialogue politique, du futile et de l'accessoire. L'appel à des personnalités politiques et historiques pour « driver » ce mouvement social, cautionner et diriger ce dialogue sonne en fait comme un cinglant échec de toutes les tentatives des uns et des autres pour se mettre d'accord sur un «smig» politique devant mettre fin à toutes les méfiances, les valses-hésitations.

Le pouvoir doit lâcher du lest et abandonner une gestion musclée des marches de protestation et donner des gages de sa bonne volonté aux courants politiques engagés dans le processus de dialogue national en cessant les arrestations d'acteurs associatifs et de militants. Les forces politiques nationales, qu'elles soient de l'opposition ou des formations proches du pouvoir, sont pour autant condamnées à s'entendre et à mettre en place une feuille de route qui puisse faire table rase de toutes les divergences, politiques et autres, afin d'asseoir les conditions d'un vrai dialogue politique qui puisse mettre fin définitivement à cette situation déprimante. Le pays en proie à une sérieuse crise économique, doublée d'une détérioration de ses fondamentaux sociaux, ne peut s'offrir le luxe de tergiverser et de retarder le processus de normalisation politique, c'est-à-dire le retour à la légitimité constitutionnelle. Et éviter l'iceberg financier.