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Quel dialogue national ?

par Mahdi Boukhalfa

C'est en quelque sorte une course contre la montre que mènent les autorités pour proposer une version crédible, sinon acceptable, du dialogue national. L'initiative, lancée et proposée par le chef de l'Etat lors de son dernier discours à la nation du 3 juillet dernier, ne semble pas trop emballer l'opposition qui y voit une tendance maladive à la perpétuation des anciens réflexes politiques que les « Hirakistes » combattent depuis le 22 février dernier. Le dialogue national que vont proposer des personnalités triées sur le volet par les autorités sera-t-il pour autant le point de départ d'une profonde réflexion nationale autour des grandes solutions de sortie de crise ? Pas évident tellement la démarche est biaisée et ne semble pas avoir pris en compte les innombrables avertissements de la classe politique, de la société civile et des cercles de réflexion selon lesquels toute démarche inique qui viendrait des autorités ne peut constituer un gage crédible pour une réelle sortie de crise politique.

Il y a d'abord cette démarche du chef de l'Etat qui veut aller directement à l'organisation d'une élection présidentielle sans passer par une phase transitoire comme le réclament depuis le début la société civile et l'opposition. La démarche des autorités veut forcer l'opposition et les acteurs politiques à adhérer à cette solution, l'organisation le plus rapidement possible d'une présidentielle, pour dépasser et mettre fin à la situation actuelle d'inconstitutionnalité des institutions de la République. C'est là le gros problème que le chef de l'Etat, M. Bensalah, veut résoudre et vite. Mais, il a plusieurs cailloux dans la chaussure, car autant sa solution ne rassemble pas un vrai consensus au sein de la classe politique, autant elle pèche par plusieurs défauts dont la non réunion des éléments nécessaires à un vrai dialogue national qui mette face à face tous les acteurs de la vie politique nationale.

En outre, le genre de proposition faite par la présidence à l'opposition, notamment la désignation de personnalités pour mener ce dialogue national de sortie de crise, ne peut avoir ni l'aval, encore moins la caution de l'opposition qui veut plus que jamais que les choses changent dans la manière de gérer cette phase difficile. A commencer par la mise en place d'un gouvernement de transition, constitué de personnalités crédibles et à audience nationale, qui sera chargé d'abord de réajuster la situation sur le plan social et économique, remettre de l'ordre dans les affaires du pays, ensuite réfléchir à la tenue d'élections générales dont une élection présidentielle.

Si l'opposition et la société civile insistent pour l'instauration d'une phase transitoire menée par des personnalités crédibles et compétentes avant toute tenue d'élections, décisives pour l'avenir politique du pays, ce n'est pas là, cependant, le point de vue de la présidence dont la priorité reste axée sur l'évitement d'une trop longue période de «non constitutionnalité» de la gouvernance actuelle, y compris les fonctions du chef de l'Etat et du gouvernement Bedoui. Seules les deux chambres du Parlement, parce qu'élues, restent «constitutionnelles» au regard de la loi fondamentale, alors que le Conseil constitutionnel lui-même est touché par cette sorte de prescription sur les institutions du pays. Pour autant, la grande inconnue de ce processus de dialogue national sera l'attitude qu'adopteront l'Etat et l'ANP. Certes, Bensalah avait promis la neutralité de l'Etat et de l'armée, mais les animateurs du Forum national pour le dialogue restent sceptiques quant à ce processus.