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Trafic des personnes: Le département d'Etat demande à l'Algérie d'amender son code pénal

par M. Mehdi

Dans l'édition 2019 de son rapport sur le trafic des personnes, rendu public le 20 juin, le département d'Etat américain demande à l'Algérie d'amender son code pénal afin de « classer spécifiquement tous les crimes sexuels commis sur des enfants dans la catégorie de la traite des personnes, comme le stipule le protocole de Palerme ». Comme dans les trois précédents rapports, l'Algérie est maintenue dans la « liste de surveillance de niveau 2 » pour « la troisième année consécutive ».

« Le gouvernement algérien ne respecte pas pleinement les normes minimales en matière d'élimination de la traite mais déploie des efforts considérables pour le faire », lit-on dans le document du département de Mike Pompeo, secrétaire d'État des Etats-Unis, consacré au trafic des personnes. Cependant, le rapport note que le gouvernement algérien « a déployé des efforts considérables au cours de la période considérée en menant ses enquêtes, en engageant des poursuites et en condamnant les auteurs de travaux forcés ». Selon le rapport, « 34 victimes de la traite » ont été identifiées durant la période couvrant le rapport (2018) et dont « certaines ont bénéficié de soins ». « Le gouvernement a affecté des ressources à son comité national de lutte contre la traite et le Premier ministre a officiellement approuvé le plan d'action national 2019 - 2021 ». « Cependant, dans l'ensemble, le gouvernement algérien n'a pas montré des efforts croissants par rapport à la période de référence précédente », ajoute le document.

Il est aussi reproché au gouvernement algérien de « ne pas avoir systématiquement identifié les victimes de la traite, exposant les victimes potentielles - en particulier parmi la population de migrants africains - à des sanctions pénales pour des actes illicites que les trafiquants ont été forcés de commettre, telles que la prostitution ». Ceci est dû, ajoute le rapport, à l'absence « d'un mécanisme standardisé pour orienter les victimes potentielles vers des services de protection ». « Le gouvernement n'a pas signalé avoir enquêté, poursuivi ou condamné des auteurs de trafics sexuels ». Expliquant le maintien de l'Algérie à « liste de surveillance de niveau 2 » évitant ainsi un « déclassement au niveau 3 », le rapport 2019 du département d'Etat US sur le trafic des personnes, affirme : « Parce que le gouvernement a consacré suffisamment de ressources à un plan écrit qui, s'il était mis en œuvre, constituerait un effort considérable pour respecter les normes minimales, l'Algérie a obtenu, en vertu de la loi sur la protection des victimes de la traite des personnes, une dérogation au déclassement par défaut au niveau 3 ». « Par conséquent », l'Algérie est maintenue dans la « liste de surveillance de niveau 2 pour la troisième année consécutive ».

Seize personnes condamnées en 2018

Selon les chiffres livrés par le rapport, en 2018, le gouvernement algérien « a enquêté et poursuivi 16 auteurs présumés (de trafic des personnes) et condamné neuf trafiquants dont deux « à une interdiction d'entrée pendant cinq ans en Algérie et à des amendes », contre 26 enquêtes de trafic, 22 poursuites et 14 trafiquants condamnés en 2017 ». Il est indiqué que parmi les affaires poursuivies en 2018, « trois concernaient des crimes de travail forcé ». Le reste des cas concernait le « travail forcé » et des « enlèvements pour des crimes de rançon ». « Le gouvernement n'a pas enquêté, poursuivi ni condamné les auteurs de crimes liés à la traite à des fins sexuelles en 2018, malgré les informations selon lesquelles la traite à des fins sexuelles aurait eu lieu en Algérie, en particulier parmi la population migrante », lit-on encore. Toujours en comparaison à 2017, le rapport rappelle que le gouvernement avait « enquêté et poursuivi en justice les auteurs présumés d'infractions liées au travail forcé et à la traite sexuelle d'enfants ». Et d'ajouter : « Le gouvernement n'a pas fait état d'enquêtes, de poursuites ou de condamnations d'agents du gouvernement complices d'infractions de traite des êtres humains au cours de la période considérée ».

«Recommandations prioritaires»

Dans sa partie consacrée à l'Algérie, le rapport 2019 du département d'Etat US sur le trafic des personnes dresse une série de « recommandations prioritaires », réclamant en premier de « modifier la disposition du code pénal relative à la traite des personnes pour que toutes les infractions sexuelles commises sur des enfants soient classées comme telles, conformément au protocole de Palerme ». Il est également demandé à l'Algérie « d'enquêter vigoureusement sur les auteurs d'infractions de trafic des personnes, de traite de personnes à des fins sexuelles et de travail forcé », de « les traduire en justice et les condamner » à « des peines appropriées », « ce qui devrait entraîner d'importantes peines de prison ». Le document insiste sur l'établissement de « procédures formelles d'identification proactive des victimes et de référence aux soins », et de « former les forces de l'ordre, la justice, l'inspection du travail, les responsables des soins de santé et les travailleurs sociaux à ces procédures ». Il est également recommandé de « développer des mécanismes formels pour fournir des services de protection appropriés (refuges désignés, soins médicaux et psychosociaux adéquats, assistance juridique et une assistance au rapatriement) à toutes les victimes de la traite », et « veiller » à ce que parmi ces victimes, « les populations vulnérables, ne soient pas arrêtées, poursuivies en justice, déportées ou sanctionnées pour des actes illicites que les trafiquants ont forcé à commettre ». L'Algérie est aussi appelée à « assurer le rapatriement sûr et volontaire des victimes étrangères », en collaboration avec « les organisations concernées et les ambassades des pays d'origine », mais aussi de « proposer aux victimes étrangères une alternative légale à leur renvoi dans des pays où elles pourraient être victimes de représailles ou de difficultés ». En matière de communication, le rapport prône de « poursuivre les efforts pour sensibiliser le public aux indicateurs et aux risques de la traite des personnes ».