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Le temps, premier ennemi du pays

par Moncef Wafi

Une présidentielle à la carte avec Bensalah et Bedoui aux commandes et une constitution, véritable texte sacré imperméable à toute révision, c'est en substance le menu offert par Gaïd Salah pour une sortie de crise inédite sous les auspices de l'institution militaire. Le chef d'état-major persiste et signe et rien ne semble le faire dévier d'un iota de sa ligne de conduite qui exclut toute période de transition tant réclamée par l'opposition et cette plateforme consensuelle autour de l'amorce d'un dialogue avec les tenants du pouvoir réel. De Béchar, il a clairement défini les règles du jeu en barrant la route aux partisans de la révision de la Constitution dans l'objectif de désamorcer les pleins pouvoirs du président de la République pour jeter les bases d'une nouvelle Algérie démocratique et civile.

Ce statu quo n'est pas sans rappeler la situation du pays avant la chute du clan où tous les rouages de l'économie tournaient au ralenti ou se rouillaient sur place. L'intransigeance des acteurs politiques risque de peser davantage sur une économie rentière qui ne doit son équilibre actuel qu'à la crise du Golfe et les menaces de guerre entre l'Iran et les Etats-Unis d'Amérique. Il ne suffit pas de dire que tout va bien pour le croire. Le temps est le premier ennemi du pays et les opérations «mains propres» vont façonner durablement le visage des affaires en Algérie. La condamnation de ces justiciables, qu'ils soient de hauts fonctionnaires de l'Etat ou des oligarques, souvent de simples hommes de paille, ne devra pas faire du mal à l'économie nationale. Mieux, leur élimination devra aider à assainir des secteurs à haute valeur ajoutée et permettre, pour peu que les vieux réflexes soient abolis, de repartir sur de bases solides avec des gestionnaires de compétence, chose difficilement concevable en ces instants de crise politique. En lançant sa croisade contre la corruption et en déclarant solennellement que tous les corrompus, quels que soient leurs fonctions ou leur rang social, comparaîtront devant la justice, il se sait attendu sur cette question. Les Algériens sont soucieux de voir les véritables donneurs d'ordre répondre de leurs actes délictueux et ne pas se défausser sur les lampistes, de simples courroies de transmission. Le patron de l'armée ne peut plus faire marche arrière et devra aller au bout de ses certitudes en honorant ses promesses et en accompagnant la justice pour que tous les criminels au col blanc soient cloués au pilori. Ne serait-ce que pour ça, Gaïd Salah marquera de son nom l'histoire de ce pays.