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Dans les villes, au bout du monde

par Amine Bouali

Dans les villes, au bout du monde, l'être humain, seul dans la foule, n'existe pas. Souvent, il est réduit au simple volume qu'il occupe entre deux valises et à son unique apparence physique. Certaines heures, il ressemble à ces objets trouvés dans les halls des aéroports que personne ne réclame, une sorte de rivage hostile ou inconnu sur lequel viennent s'échouer tous les silences et les rumeurs du monde.

Dans la foule immense, l'être seul marche comme dans un désert, à la poursuite de ses rêves et de ses fantômes. Par le truchement d'un regard ou le frôlement d'une épaule, lui parvient vaguement le souvenir de lui-même. Tout est pareil autour de lui et, en même temps, tout est différent. Seules quelques vérités essentielles échappent à la confusion générale. Dans les grandes villes, au bout du monde, l'étranger se sent comme un invité qu'on reçoit avec une gentillesse abstraite, mécanique. Personne n'ose demander à un inconnu, dans la rue, s'il lui plaît ou s'il partage avec lui les mêmes idées ou les mêmes hobbys. L'être anonyme, dans la foule, demeure une énigme, un songe difficile à apprivoiser.

Dans la solitude des grandes villes, l'être humain quitte parfois son ombre, s'invente une nouvelle vie, tombe amoureux du premier sourire venu, vole un peu de beauté à chaque coin de rue, partout où le cœur tremble et se sent immortel. Tous les chemins du monde laissent en nous une impression de plénitude mais aussi ce goût d'inachevé que nous gardons jusqu'à la tombe. La vie est insaisissable.